Pascal Barbolosi (Atos) "Nous fournirons un supercalculateur exaflopique d'ici 6 ans"
Multiplier par 1000 en 10 ans la puissance de calcul livrée : telle est l'ambitieuse promesse de Bull, qui compte bien aussi profiter d'Atos pour mieux s'imposer dans le monde.
JDN. Que va apporter Atos à Bull en matière de calcul haute performance ?
Pascal Barbolosi (Atos). Cela fait désormais 9 mois que Bull a rejoint Atos. Durant cette période, l'effectif dédié au HPC, ou calcul haute performance, est passé de 600 à 700 personnes, avec une trentaine de nouvelles arrivées juste sur les 2 derniers mois. Des talents nous rejoignent de partout dans le monde.
Atos va clairement nous aider à mieux nous imposer à l'international. Les projets arrivent désormais de partout, de la zone Asie-Pacifique ou d'Amérique latine notamment. Nous avons d'ailleurs récemment vendu un supercalculateur pétaflopique, le plus puissant d'Amérique latine, au Brésil. Nous avons aussi pour mission de nous développer en Europe. Bull occupe 22 places dans le dernier classement mondial des supercalculateurs Top500, et cela ne cesse de progresser. Nous visons les 10% de parts de marché mondiales d'ici 5 ans.
Avec le supercalculateur "Pangea" de Total et ses 2,3 pétaflops, la France est seulement 29e dans ce classement mondial "Top500" des machines les plus puissantes… Et la machine la plus puissante de Bull, Occigen, est aujourd'hui 35e avec 2,1 pétaflops. Au niveau mondial, la France est donc à la traine. Comment l'expliquez-vous ?
La France n'est peut-être pas au niveau que l'on voudrait. C'est d'abord lié aux investissements consentis dans ce domaine, que ce soit au niveau privé ou public. Mais cela ne veut pas dire que notre technologie n'est pas au niveau. Nous pourrions tout à fait être dans le top 5 mondial : nous savons le faire. Et ce n'est pas rien, car nous sommes rentrés sur le marché du calcul haute performance il y a 10 ans seulement, bien après de nombreux acteurs qui figurent dans le Top 500 mondial. Peu après avoir décidé de se lancer sur le HPC, nous avons pu montrer rapidement nos grandes capacités en livrant au CEA, en 2010, le Tera 100. Ce fut à l'époque la première machine dépassant le pétaflop en Europe.
En 2017, nous livrerons un supercalculateur d'une puissance de 25 pétaflops
Mais au niveau international, il faut savoir que nous nous heurtons au protectionnisme de certains pays, et certains appels d'offres nous sont encore fermés, pour des marchés publics aux Etats-Unis et en Chine notamment. Et cela, alors qu'en France, nos marchés publics sont tout à fait accessibles aux acteurs étrangers... C'est globalement plus ouvert et équilibré en Europe. C'est donc plus facile pour des entreprises américaines ou asiatiques de faire du business en France que pour nous d'en faire chez eux. Mais, aidé par l'envergure d'Atos, nous avons désormais l'objectif clair de mieux nous imposer à l'international, sur les marchés asiatiques et américains, mais plutôt sur le secteur privé et chez les industriels, et non du côté des marchés publics.
Quelle est votre feuille de route concernant la montée en puissance de vos supercalculateurs ?
Nous déployons d'abord énormément d'efforts pour réduire leur consommation énergétique. Un mégawatt coûte à peu près un million d'euros par an. Or, pour 1,3 pétaflops, le Tera 100 consomme 5 mégawatts. Il est donc essentiel de concentrer nos recherches sur l'économie de l'énergie, surtout si nous visons de meilleures performances de calcul. Nous travaillons donc à l'amélioration de notre système de refroidissement qui circule à l'intérieur des lames et qui s'appelle DLC, pour Direct Liquid Cooling ou refroidissement liquide direct.
Concernant notre calendrier : Météo-France, déjà équipé de nos technologies [lire notre article Comment de nouveaux supercalculateurs vont améliorer les prévisions de Météo-France], va pouvoir bénéficier dès l'année prochaine d'une puissance de calcul de 5 pétaflops, contre 1 actuellement.
Une nouvelle machine baptisée Tera 1000-1 va aussi très bientôt remplacer le Tera 100, avec une puissance similaire de 1,3 pétaflop mais avec une consommation 5 fois plus faible : de 5 mégawatts, elle va passer à 1 mégawatt. En 2017, nous devons aussi livrer au CEA le Tera 1000-2 : un supercalculateur opérationnel d'une puissance de 25 pétaflops. Le célèbre indice pour mesurer l'efficacité énergétique, le PUE, qui doit tendre vers 1, s'élevait à 1,4 pour le Tera 100. Ce Tera 1000 aura un PUE de 1,1. Il aura aussi une architecture qui préfigure celle des machines de classe éxaflopique.
Quand pensez-vous atteindre l'exaflop ?
En 2021, nous devrions avoir réalisé une machine d'une puissance exaflopique, qui ne consommera que 20 mégawatts. Le contrat a été signé avec le CEA. Il s'agira d'une machine équivalent à 15 voire 20 millions de PC, alors que le Tera 100, livré en 2010, en représentait seulement 100 000. Ce supercalculateur exaflopique aura une efficacité énergétique 250 fois meilleure que celle du Tera 100.
Nous avons bien entendu déjà avancé dans nos recherches et nos prototypes, notamment sur nos nouvelles puces BXI, qui est notre plus gros projet de R&D. Cette nouvelle génération d'interconnexion rapide, taillée pour l'exascale, bénéficiera d'une accélération hardware tout simplement révolutionnaire.