Avec l'IA générative, une nouvelle génération de search débarque dans l'e-commerce
Les e-commerçants intègrent la recherche en langage naturel ou conversationnelle à leur moteur de recherche, mais sont toujours en quête d'un modèle abouti.
Alors que ChatGPT a démontré les capacités de l'IA générative en termes de recherche et que Google a généralisé les aperçus IA aux Etats-Unis, les e-commerçants veulent eux aussi mettre à niveau leur moteur de recherche… avec l'espoir de vendre mieux.
Les premières initiatives d'IA générative autour du search en e-commerce consistaient principalement à retravailler les fiches produites pour qu'elles répondent mieux à la technologie du moteur de recherche. Cdiscount a, par exemple, soumis 35 millions de fiches produits à l'IA générative en février 2024. Et sur ce total, 14 millions ont été effectivement recatégorisées. "Tous les acteurs du retail travaillent sur l'enrichissement des fiches produits pour qu'elles soient facilement trouvables à travers leur moteur de recherche traditionnel", confirme Geoffroy Petit, consultant data et IA chez BearingPoint.
Mais aujourd'hui les e-commerçants et les fournisseurs de solutions vont plus loin en intégrant l'IA générative directement au cœur de la technologie de leur moteur de recherche. Objectif à terme : permettre la recherche conversationnelle. Concrètement, cela signifie que le client peut faire une recherche en langage naturel, que le moteur la comprend et qu'il fait une proposition avec laquelle le consommateur peut interagir si besoin.
Les prestataires mènent la danse
Les fournisseurs de solutions e-commerce comme Shopify, Google ou encore Algolia ont déjà intégré une couche d'IA générative à leur techno de recherche. Google Cloud a dévoilé en début d'année sa nouvelle fonctionnalité Vertex AI Search pour les e-commerçants, même timing fin janvier chez Shopify avec sa solution Semantic Search.
Ces évolutions enrichissent la recherche traditionnelle par mots-clés avec une IA qui réalise automatiquement des liens sémantiques. "Elle utilise les données texte et image des produits pour mieux comprendre s'ils sont pertinents par rapport au critère de recherche d'un client, explicite Lara Rosquët, DG France de Shopify. Par exemple, si un client recherche des chaussures pour une soirée de Noël, la recherche sémantique peut associer les critères de recherche aux couleurs vertes ou rouges de Noël, et à des escarpins pour des chaussures de fête".
Encore très récente, la fonctionnalité est seulement disponible pour les marchands Shopify Plus et Enterprise pour les boutiques en anglais et avec moins de 200 000 références. "C'est une sorte de version bêta, l'objectif est qu'il y ait un déploiement plus large, notamment pour les boutiques en français", détaille Lara Rosquët. Chez Google Cloud, la fonctionnalité est similaire avec, en plus, la possibilité d'effectuer des recherches avec des images. Aujourd'hui, ces technologies intègrent la recherche en langage naturel, mais ne permettent pas encore au consommateur d'interagir avec les résultats de recherche.
Des solutions dont peuvent bénéficier les clients de ces prestataires comme Victoria Secret ou Puma. "L'avantage des solutions tierces est que leurs technologies ont également appris d'autres marques", soulève Marion Scala, consultante chez Micropole. Pour Geoffroy Petit, il y a une rupture entre les capacités des éditeurs à investir massivement en R&D et les retailers. "C'est eux qui construisent le standard de demain", affirme-t-il.
Le chatbot, laboratoire de la recherche conversationnelle
Si une partie des acteurs ont fait le choix de développer leur e-commerce avec des prestataires, d'autres ont construit leurs outils de recherche en interne. "Les entreprises qui ont une dimension tech importante ont eu tendance à développer leur moteur de recherche", précise Geoffroy Petit. Ces acteurs comme Walmart, Cdiscount, Zalando ou encore Rakuten doivent donc être capables de suivre les standards dictés par les fournisseurs de solutions. "Nous suivons effectivement ce que font les Google, Microsoft et autres leaders de la tech sur ces sujets-là, parce qu'en fait, c'est eux aussi qui vont tirer l'expérience client", confirme Alaric Dagrain, chef de projet produit chez Cdiscount.
"Nous travaillons pour étendre le périmètre de ce chatbot en lui donnant la possibilité d'effectuer des recherches sur le site avec de l'IA générative"
A l'occasion du CES, Walmart a présenté sa technologie de recherche basée sur l'IA générative, qui permet des requêtes telles que "nourriture pour une soirée match entre amis". Accessible directement depuis la barre de recherche, la fonctionnalité semble plaire : dans les recherches tendances, apparaissent "food for 3$" et "great value napkins". L'autre géant américain, Amazon, a annoncé la sortie de la version bêta de Rufus en février dernier. L'e-commerçant a fait le choix de faire évoluer sa technologie de search via un assistant virtuel capable d'effectuer des recherches, en plus de répondre à des questions produit. "Il y a deux approches : soit on crée un nouvel objet et on essaye d'y intégrer le parcours progressivement (le chatbot, ndlr), soit on part du parcours et on y intègre de l'IA générative (moteur de recherche)", résume Geoffroy Petit.
Tout comme Amazon, les e-commerçants français ont choisi la première option. Carrefour a été pionnier dans l'Hexagone avec la sortie de Hoplà en juin 2023. Nombreux sont les sites à avoir mis à disposition un chatbot, mais assez rares sont ceux qui permettent la recherche de produit. De son côté, Cdiscount travaille également pour faire évoluer son chatbot vers de la recherche. "Nous travaillons avec iAdvize pour étendre le périmètre de ce chatbot en lui donnant la possibilité d'effectuer des recherches sur le site avec de l'IA générative, confie Alaric Dagrain. Avant, éventuellement, d'intégrer cette technologie dans la barre de recherche traditionnelle que tout le monde connaît."
L'outil de recherche du site intègre déjà une couche d'IA générative avec l'association sémantique, mais Cdiscount veut aller plus loin en permettant la recherche conversationnelle avec ce chatbot. "L'objectif est qu'il y ait deux phases : le client exprime un besoin, l'IA commence à y répondre en affichant quelques produits, et petit à petit, par le biais d'échanges avec le client, elle affine les produits sélectionnés jusqu'au résultat souhaité", illustre le chef du projet chez Cdiscount. Cette nouvelle expérience devrait être en test avec le chatbot en interne avant l'été. Selon nos informations, Zalando et Rakuten étudient également l'intégration de l'IA générative dans leur technologie de search.
Proposer un moteur de recherche hybride
La barre de recherche est un élément central du parcours d'achat. Pour Cdiscount, elle représente environ la moitié des ventes. Hors de question donc de mettre en péril cette expérience avec une technologie non-aboutie. C'est pourquoi beaucoup utilisent le chatbot en guise de test, même si l'assistant virtuel "est une rupture totale en termes d'usage" pour Geoffroy Petit. En effet, certaines expériences peuvent être assez décevantes. Le JDN a testé ce 17 mai Hoplà pour "un déjeuner healthy pour huit personnes". Le chatbot nous a proposé en réponse une salade quinoa avec des légumes dont les ingrédients n'étaient pas disponibles au moment de l'ajout au panier.
"Parfois, il vaut mieux s'entourer de solutions tierces, expertes dans leurs spécificités, dans leur tech, et de se dire 'on plugge l'API et on teste'"
"Pouvoir interagir avec les résultats est une complexité supérieure, rappelle le consultant BearingPoint. Cela implique de travailler sur le catalogue produit, sur l'expérience utilisateur, sur l'intégration des parcours…" Un avis que partage Alaric Dagrain : "Ce sont des projets qui prennent un peu de temps parce qu'il y a beaucoup de sujets d'intégration et d'expérience client et de sujets juridiques sur l'utilisation de l'IA générative ". Cdiscount travaille sur la recherche conversationnelle depuis avril 2023. "Ces nouveaux moteurs de recherche nécessitent des infrastructures pour supporter une puissance de calcul bien plus importante que celle des moteurs classiques", soulève également Geoffroy Petit. "D'autant plus que la question de la disponibilité des GPU se pose", ajoute-t-il.
"Parfois, il vaut mieux s'entourer de solutions tierces, expertes dans leurs spécificités, dans leur tech, et de se dire 'on plugge l'API et on teste', considère Marion Scala, consultante chez Micropole. Et si demain, l'e-commerçant souhaite aller plus loin avec une solution sur-mesure, elle peut la construire". Certaines sociétés qui avaient bâti leur moteur en interne pourraient même basculer vers des prestataires, selon le consultant Bearing Point
Avec des solutions âgées maximum de quelques mois, les retours d'expérience sont compliqués à obtenir. Pour Geoffroy Petit, "il reste encore quelques paliers à passer pour être capable de mettre entre les mains d'un client une IA générative vraiment avancée qui va l'accompagner dans son expérience shopping". C'est pourquoi tous s'accordent à dire qu'il faut proposer une expérience hybride dans un premier temps. "Le chatbot et le moteur de recherche sont très complémentaires, affirme Marion Scala. Les réflexes utilisateurs sont encore : moteur de recherche égale mots-clés, et chatbot égale une phrase". Avec des usages clients qui ne sont pas encore transformés, "l'important est de proposer une expérience mixte avec un moteur de recherche traditionnel et une couche d'IA générative pour apporter l'aspect conversationnel aux clients qui le souhaitent", détaille Alaric Dagrain. Pour l'instant.