Quelles formations pour se reconvertir en data scientist ?
Eligibles au CPF, des formations accélérées permettent de décrocher une certification de data scientist reconnue par l'Etat. Ces bootcamps exigent toutefois un certain nombre de prérequis et une motivation à toute épreuve.
En 2018, le député Cédric Villani déplorait dans un rapport sur l'intelligence artificielle le manque de formations dédiées à la data science. A l'époque, seules quelques grandes écoles d'ingénieur, telles Polytechnique, Telecom ParisTech ou l'Epita, avaient créé des mastères dédiés au machine learning et au deep learning. Ces cursus s'adressaient généralement à des forts en maths, de niveau bac + 4 et plus. Compte tenu la rareté de ces formations, le data scientist était alors le "job" en or par excellence.
En 2024, la donne a radicalement changé. Les parcours académiques se sont multipliés et des universités comme celles de Nantes, Aix-Marseille, Paris Sud, Lyon I ou Toulouse III ont suivi le mouvement. Des écoles d'un nouveau genre ont aussi démocratisé l'accès à la data science. Des établissements labellisés Grande Ecole du Numérique (GEN) comme Simplon.co ou Le Wagon proposent de former à l'IA en quelques mois via des stages intensifs, baptisés bootcamps.
Après voir proposé des formations au développement, à la cybersécurité ou à la blockchain, ces écoles ajoutent avec l'IA une nouvelle corde à leur arc. Reprenant eux aussi le concept du bootcamp, d'autres organismes de formation se sont spécialisés dans le domaine de la data science à l'image de Jedha ou de Datascientest. Leurs cursus qui s'étalent sur plus de 400 heures de formation s'adressent à des demandeurs d'emploi ou à des salariés en voie de reconversion.
"Une appétence pour les chiffres"
Quels prérequis pour intégrer une formation de data scientist ? Datascientest, qui prépare à un diplôme de niveau bac +5, exige l'obtention d'un diplôme bac+3 en mathématiques, statistiques ou en sciences. "Des notions de programmation, comme avoir manipulé du code dans le cadre d'un projet professionnel, constituent un plus", avance Yoël Tordjman, son CEO et cofondateur.
Chez Jedha, le cursus comprend trois paliers. Le premier, "essentials", fait le tour des fondamentaux de la data science en 75 heures. Le deuxième, baptisé "fullstack" permet en 450 heures de décrocher une certification reconnue par l'Etat. Le dernier, "lead", complète le parcours par une formation au data engineering. Les prérequis dépendent du niveau retenu, de la simple maitrise de l'anglais à trois ans minium d'expérience dans la data en passant par la réussite d'un test de coding.
Ce programme à la carte permet de s'adresser à différentes typologies de profils. "L'essentiel de la promotion est composé de professionnels du marketing ou de la finance qui ont déjà une expérience de la data, observe Antoine Krajnc, fondateur et CEO de Jedha. Le programme répond aussi à des reconversions dites dures comme des militaires de carrière qui poursuivent leur carrière dans le civil."
Selon Antoine Krajnc, il convient de combattre les a priori sur les compétences mathématiques nécessaires. "Les candidats s'en font une montagne. Il faut bien sûr avoir une appétence pour les chiffres et une envie de comprendre. Pour autant, il n'est pas nécessaire d'être un as en probabilités et en statistiques."
De son côté, Datascientest a découpé son parcours de formation en "sprints", des cycles d'apprentissage où l'apprenant s'approprie les notions en mode e-learning avec l'appui d'un coach avant de rejoindre le groupe en classe virtuelle ou en présentiel. Ce mode hybride convient notamment aux salariés en poste, dans le cadre de la formation continue. Les profils en reconversion se formeront sur une période plus ramassée. Dans les deux cas, ils devront mener un projet de data scientist.
L'entretien d'admission servira à apprécier si le futur apprenant aura la capacité à tenir le rythme particulièrement intensif d'un bootcamp. "Il s'agit évaluer la cohérence du parcours et la motivation du candidat, avance Antoine Krajnc. S'est-il déjà renseigné ? A-t-il déjà commencé à s'auto-former ?" Cette formation accélérée en data science présente l'avantage pour des personnes de 30 ans ou 40 ans et plus de devenir data scientist sans passer par la case reprise d'études souvent longue, coûteuse et risquée.
Pour Antoine Krajnc, il ne faut pas, pour autant, opposer les bootcamps aux programmes académiques dispensés par les écoles d'ingénieurs ou les universités. "Les deux approches sont plutôt complémentaires et chacune a ses titres de noblesse. Un ingénieur ou un diplômé de master possédera des compétences académiques fondamentales. Un bootcamp exige un minimum de théorie pour faire un maximum de pratique."
Décrocher un CDI, se lancer en freelance ou poursuivre la formation
Les formations de Jehda et Datascientest permettent de décrocher un titre professionnel enregistré au RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles). Pour le premier, il s'agit d'un titre "Concepteur développeur en science des données" et pour le second de "Chef de projet en intelligence artificielle" du collège de Paris. Les deux instituts offrent la possibilité de passer la certification AWS Cloud Practitioner, attestant d'un maîtrise du cloud de l'hyperscaler américain. Datascientest rajoute, en sus, un certificat des Mines ParisTech PSL Executive Education.
Les deux établissements communiquent sur un taux d'insertion professionnelle élevé, plus ou moins supérieur à 80%. Les diplômés ont le choix de signer un CDI dans une startup ou rejoindre une grand groupe de la bancassurance, de la distribution ou de l'industrie. Près d'un tiers des alumni de Jehda décident de se lancer en freelance. Autre possibilité : enchaîner sur une autre formation pour se renforcer en deep learning, en NLP (traitement du langage naturel) ou en computer vision.
Certains apprenants se dirigent aussi vers une formation de machine learning engineer. Encore émergent mais très recherché, ce nouveau métier de la data science fait le pont entre le data engineer et le data scientist. "Le machine learning engineer accompagne l'industrialisation des projets d'IA en assurant le passage à l'échelle des modèles et en intégrant le cadre méthodologique MLOps", conclut Yoël Tordjman.
Concluons sur Ies différentes possibilités de financement. Via la Préparation opérationnelle à l'emploi individuelle (POEI), France Travail financera la formation sous réserve que le futur employeur s'engage à embaucher le demandeur d'emploi à l'issue de celle-ci. Le salarié en voie de reconversion fera, lui, appel à son Compte personnel de formation (CPF). La région peut aussi mettre la main à la proche à travers le projet de transition professionnelle (PTP), qui remplace le Congé individuel de formation (CIF).