Créer un système d'information en no code, c'est possible

Créer un système d'information en no code, c'est possible Les PME peuvent recourir aux technologies de no code pour créer des applications métiers ou des sites web sur mesure. Couvrant à la fois le back end et le front end, elles peuvent gérer tout ou partie de leurs besoins fonctionnels.

Les promesses du no code sont désormais connues. Comme son nom l'indique, cette approche permet de concevoir des sites et des applications web sans aucune connaissance d'un langage informatique. Depuis une interface 100 % visuelle, le "no codeur" va assembler des briques fonctionnelles préparamétrées, les relier à une base de données puis assurer leur interopérabilité au sein d'un workflow automatisé.

Outil de ticketing ou de validation des notes de frais, formulaire web, CRM sur mesure, site d'e-commerce… Le spectre des cas d'usages éligibles est large. En redonnant le pouvoir aux directions métiers de créer leurs propres applications sans passer sous les fourches caudines de la DSI, 70 % des nouvelles applications développées par les organisations devraient utiliser des technologies low code ou no code d'ici 2025, contre moins de 25 % en 2020, selon le cabinet d'études Gartner.

Pour autant, est-il possible de concevoir un système d'information entièrement en no code ? A la fois CEO et cofondateur de l'agence de no code Cube, président du SFPN (Syndicat Français de Professionnels du NoCode) et organisateur du Nocode Summit, Pierre Launay répond par l'affirmative en ce qui concerne les TPE et les PME.

"Créer et maintenir un système d'information performant nécessite des ressources et un budget importants. Ce qui peut représenter un ticket d'entrée trop élevé pour une petite structure. Un seul expert no code peut tout gérer contre deux ou trois profils différents en mode traditionnel". L'entreprise s'affranchit, par ailleurs, des contraintes d'hébergement, les applications développées pouvant être hébergées par l'éditeur no code. "Une petite entreprise peut se permettre d'avoir une approche globale, poursuit Pierre Launay. Par capillarisation, elle met en place une application no code puis une autre. Après avoir gouté au no code, il est difficile de s'arrêter."

Une entreprise de taille plus conséquente sera, elle, dans "une logique d'hybridation intelligente". "Elle doit souvent composer avec un existant et ses millions de lignes de code à maintenir." Le no code se présentera alors comme une troisième voie, à côté du code traditionnel et du SaaS. "Le no code est en quelque sorte du SaaS paramétrable", résume l'expert.

Dans les grosses PME et les ETI, le no code viendra, par exemple, combler les lacunes fonctionnelles d'un progiciel métier ou d'un ERP, un outil du marché ne répondant pas à l'intégralité des besoins d'une entreprise. C'est en quelque sorte le pari fait par l'ERP open source Axelor qui propose un environnement de développement sans code pour personnaliser sa plateforme. Entreprise de travail temporaire, Gojob a, elle, fait le choix de créer un pôle no code comme elle l'indique sur son blog technique.

950 outils no code référencés

Quelles solutions retenir ? Avec quelque 950 outils no code actuellement référencés, le champ des possibles est vaste. Des plateformes full stack telles que celles de Bubble et de Webflow gèrent à la fois le front end et le back end d'une application. D'autres outils se répartissent la tâche, WeWeb, Softr ou Retool se chargeant de la partie front, Airtable, Baserow ou Xano du back end.

D'autres outils se sont spécialisés dans la gestion de contenus (Notion) ou l'e-commerce (Shopify). Enfin, les spécialistes de l'automatisation des processus de type Make, Zapier et n8n vont connecter entre elles ces différentes briques applicatives pour créer un workflow centralisant les flux de travail. Soit l'ébauche d'un véritable système d'information.

Deux approches sont possibles. Une entreprise peut faire le choix d'une plateforme full stack ou retenir une approche multi stack, en associant plusieurs technologies no code. A chaque modèle, ses avantages. "Une solution unique sera moins complète fonctionnellement mais coûtera moins chère que 4 ou 5 outils. Utiliser plusieurs outils nécessite aussi des compétences propres à chacun. Ce qui nous éloigne de la promesse d'un seul expert no code." Quid, par ailleurs, de la pérennité et de la maintenabilité des outils ? Faut-il miser sur une plateforme bien installée et reconnue comme Bubble ou répartir le risque sur plusieurs outils sachant qu'ils sont interopérables donc interdépendants ? Si un outil plante, les autres fonctionneront-ils ?

La plupart des éditeurs étant établis aux Etats-Unis, se pose aussi la question de la protection et de la confidentialité des données personnelles. Les acteurs établis mettent en avant, sur leurs sites, leur conformité au RGPD, à la certification HDS (hébergement de données de santé) ou aux normes internationales SOC 1 et SOC 2. Moyennant un coût supplémentaire, certains proposent un hébergement cloud sur la région Europe voire sur les serveurs de l'entreprise (mode on-premise). Autres possibilités : recourir à une solution open source (Convertigo, Joget) ou made in France (iPaoo, WeWeb).

Gouvernance et formation

Quelles que soient les modalités techniques retenues, Pierre Launay rappelle que l'adoption du no code nécessite de poser un cadre de gouvernance. Quels projets sont éligibles ou non au no code ? Qui maitrise les process ? Qui est responsable de l'application développée ? "En général, tout part d'un besoin métier. Débordée, l'IT n'arrive pas à gérer toutes les demandes. Frustré, le métier finir par sortir sa carte bancaire et prendre une licence Airtable ou Zapier."

Après cette phase initiale de shadow IT, la DSI reprend la main afin d'assurer la cohésion des développements no code dans le cadre de l'urbanisation du SI. Quel que soit le mode de développement utilisé, une application no code reste une application professionnelle comme les autres avec ses exigences de qualité, de versionning et de maintenabilité.

Enfin, Pierre Launay conseille ne pas sous-estimer le volet formation. "Le no code n'est pas égal à no expertise". La courbe d'apprentissage peut être assez longue. Au-delà de la maitrise de l'outil proprement dite, un no codeur doit, à l'instar des développeurs traditionnels, apprendre à gérer les aspects liés à la documentation ou à la cybersécurité. Des écoles de no code proposent des formations intensives de deux ou trois mois, complétées ou non par une période d'alternance. Pour Pierre Launay, le chef d'entreprise doit, lui-même, mettre les mains dans le cambouis pour comprendre le potentiel du no code et réaliser les arbitrages entre ce qui doit être développé sans code ou en code traditionnel.