6 bonnes pratiques pour lutter contre l'hyperconnexion
Accumulation d'emails et de notifications, enchaînement des réunions en visioconférence sans temps de pause… La multiplication des outils numériques crée un stress qui altère notre santé physique et mentale.
Vous arrive-t-il de lire ou d'envoyer des emails professionnels le soir ou le week-end ? Enchainez-vous les réunions en "visio" sans temps de pause ? Arrêtez-vous votre travail en cours pour répondre à un message électronique ? Si vous répondez par l'affirmative à tout ou partie de ces questions, vous faites partie des hyperconnectés comme le qualifient l'Observatoire de l'infobésité et de la collaboration numérique (OICN). Près d'un salarié sur trois est concerné par cette hyperconnexion et un peu plus de 4 % se situent même dans la zone rouge.
La surcharge informationnelle liée à la multiplication des outils numériques a des impacts sur notre santé physique et morale. Cette sollicitation cognitive en continu peut conduire à un état de fatigue permanent, à des troubles du sommeil, à une baisse de la motivation voire à des cas de burnout. Des symptômes qui sont loin d'être neutres et met l'employeur face à ses responsabilités. Selon le Code du travail, il doit prendre "les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs". Il existe heureusement un certain nombre de garde-fous techniques ou organisationnels pour promouvoir un usage plus raisonné du numérique.
Rendre efficient le droit à la déconnexion
Introduit en 2017, le droit à la déconnexion peine à être respecté. Toute entreprise de plus de 50 salariés est pourtant tenue de mettre en place tous les dispositifs nécessaires afin que leurs collaborateurs profitent de leur temps libre sans être perturbés par un appel ou un e-mail professionnel. Pour sacraliser ce temps de repos, une entreprise peut sensibiliser ses managers intermédiaires à ce sujet ou rédiger une charte de bonnes pratiques pour encadrer les usages. Il existe aussi des parades techniques comme mettre en veille les serveurs de messagerie pour bloquer l'envoi et la réception d'emails professionnels au-delà d'une certaine heure et les libérer le lendemain matin.
Ce droit à la déconnexion peut aussi être pris dans une acceptation plus large en incluant les périodes travaillées. Une organisation apprendra à ses collaborateurs à créer une bulle de concentration quand ils s'attellent à des tâches méritant toute leur attention. A savoir comment mettre son smartphone en mode avion, désactiver les notifications de son mobile et de son PC, transférer ses messages et ses appels à un collègue pour une période donnée.
Faire la chasse au mail
L'email est le premier vecteur de l'hyperconnexion. D'après l'étude de l'OICN, ces hyperconnectés envoient des emails après 20 heures plus de cinquante soirs par an et même 117 soirs par an pour les cadres dirigeants. Alors qu'il s'agit pourtant d'un mode de communication asynchrone, il induit une forme d'urgence et d'instantanéité. 52 % des e-mails obtiennent ainsi une réponse moins d'une heure après leur envoi. "Devoir terminer sa liste d'emails entrants pour pouvoir partir le soir l'esprit libéré est une des formes les plus visibles de la charge mentale associée au travail de bureau", avance l'étude.
Mal utilisé, l'email génère aussi beaucoup de "bruit" numérique. Pour se couvrir, un collaborateur sort le "parapluie" en mettant en copie la terre entière, diffusant son stress au reste de l'équipe. Son courriel sera repris par ses interlocuteurs provoquant un effet boule de neige. Toujours selon l'OCIN, plus de 30% des messages sont envoyés en mode copie, 18% sont transférés et 17% dépassent les dix allers-retours entre les différents correspondants.
Favoriser le mode collaboratif
Si l'email, à plus de 50 ans passés, reste (malheureusement) le canal de communication dominant, une organisation peut promouvoir d'autres moyens de collaboration. La mise en place d'un agenda partagé ou d'un serveurs de fichiers évite bien des échanges inutiles. Les suites collaboratives, de type Microsoft 365 ou Google Workspace, permettent de travailler simultanément à plusieurs sur les mêmes contenus. La coédition en ligne d'un document permet ainsi de le réviser sans passer par des incessants aller-retours de pièces jointes coincées dans des emails.
Le risque est toutefois de voir s'empiler les outils de collaboration. L'employé se retrouve avec une multitude de fenêtres ouvertes sur son bureau, chaque application répondant à une usage différent. Il faut là encore édicter de bonnes pratiques en rappelant quel canal de communication utiliser - email, messagerie instantanée, appel audio ou visio – en fonction de la tâche à accomplir et du degré d'urgence. Par exemple, les membres d'une équipe converseront par un chatOps de type Slack alors que l'information institutionnelle transitera par email. Des règles qui doivent être partagées par tous.
Redonner du sens aux réunions
La généralisation du télétravail au temps du Covid et aujourd'hui du travail en mode hybride a dmultiplié le recours à la visioconférence. Plus de déplacements physiques ni de salle à réserver, la visio a simplifié à l'extrême l'organisation des réunions. Il suffit d'un lien pour échanger. Revers de la médaille, la réunionite, un mal déjà bien ancré dans les entreprises françaises, s'est amplifiée. Les visios s'enchaînent sans pause, y compris hors des horaires habituels. Selon une étude menée par les cabinets de conseil Lecko et CogX, un hyperconnecté participe à 15 réunions dans le trimestre tôt le matin, tard le soir ou durant la pause déjeuner.
Cet excès de réunions est source de stress (l'activation de la caméra accroit encore la fatigue cognitive), de désengagement et même de perte d'efficacité. Dans son référentiel annuel sur L'Etat de l'art de la transformation interne des organisations, Lecko conseille de redonner de la valeur à la réunion en organisant des sessions de 25 min au lieu de 30, de 45 min ou d'une heure comme le propose par défaut l'agenda électronique et de laisser un temps de respiration entre deux.
Il s'agit aussi de réduire le nombre de participants en ne conviant que les personnes réellement indispensables. A défaut, ils feront tout autre chose comme consulter leur smartphone, source d'un autre stress. Enregistrer la session ou en faire la synthèse permet aux absents de s'informer après coup. Enfin, pour rendre plus efficient ces réunions, il convient de proposer un ordre du jour afin que chacun puisse la préparer en amont et de cadrer les échanges pour éviter les disgressions.
Responsabiliser les utilisateurs
En matière d'hyperconnexion, chacun est victime et bourreau. Nous avons tous notre façon de travailler, d'échanger avec les autres, selon les modalités qui nous conviennent. Ce phénomène s'est accentué avec la généralisation du télétravail. Plus de cadre de travail, le télétravail a fait voler en éclats les unités de temps et de lieu.
"Les collaborateurs ont gagné en agilité et en autonomie, avance Arnaud Rayrole, PDG du cabinet Lecko. En revanche, les sollicitations numériques s'étendent sur de plus longues larges plages horaires." Les matinaux enverront des mails dès potron-minet, les couche-tard continueront à travailler après avoir mis les enfants au lit. Ce qui relève de convenances personnelles empiète sur la liberté d'autrui à disposer de son temps de repos comme il l'entend.
Pour lutter contre cette dérive, la société de conseil propose de passer par la responsabilisation des utilisateurs en objectivant les comportements collaboratifs d'une organisation. Prêchant pour sa paroisse, elle propose un outil, Lecko Analytics, qui mesure un certain nombre d'indicateurs comme le nombre de mails échangés, la proportion d'activités multitâches ou le nombre de réunions en visioconférence s'enchaînant sans moment de respiration.
A partir de ces données objectives, une entreprise peut mesurer les progrès accomplis et mettre en place des défis au niveau d'une équipe ou d'un service pour réduire l'hyperconnexion. "Pour que la sensibilisation soit efficace, il faut rendre explicites ces situations d'hyperconnexion connues de tous et auxquelles on s'est accoutumé", poursuit Arnaud Rayrole. Dans ce domaine, le management intermédiaire a un devoir d'exemplarité. Un chef de projet doit s'abstenir d'envoyer un email aux membres de son équipe à des heures indues. A défaut, il crée un précédent.
Promouvoir une QVT numérique
Si le numérique génère du stress, il peut aussi aider à le combattre. Viva, la plateforme dédiée à l'expérience collaborateur de Microsoft, comprend un module, Viva Insights, qui propose de "renforcer le bien-être en entreprise et l'agilité des équipes". A partir de données remontées dans Microsoft 365, il livre des conseils aux collaborateurs pour "les aider à organiser, dans leur agenda, des pauses à intervalle régulier, à planifier des temps dédiés à la concentration ou à la formation, ou encore à renforcer les relations avec leurs collègues."
Enfin, un certain nombre de startups se sont ainsi spécialisés dans la qualité de vie au travail (QVT) en favorisant la pratique d'une activité sportive (Wellness Training, Kobi Sport) ou en fluidifiant l'organisation du travail en mode hybride (Woby, Hollofice, Ubigreen). Moodwork, Meeriad, Moka.care ou Holivia interviennent, elles, dans la prévention des risques psycho-sociaux (RPS) en détectant les signes avant-coureurs d'un état dépressif et en démocratisant la prise en charge psychologique en entreprise.