À Dijon et Angers, la smart city tout-en-un
Les deux métropoles françaises ont lancé des projets massifs de ville intelligente en 2019. Très regardés, ils pourraient faire des émules après les municipales.
Loin des voitures volantes et des gratte-ciel avant-gardistes que nous annonce la science-fiction, la vraie smart city est celle qui ne se voit pas. En France, les grandes villes comme Paris, Lyon ou Bordeaux expérimentent depuis des années des projets de ville intelligente, qui, par le biais du numérique et des données récoltées glanées par des capteurs, doivent leur permettre de réaliser des économies, d'optimiser leur organisation, voire de proposer de nouveaux services à leur citoyens. Et elles ne sont pas les seules : au moins 25 villes et métropoles françaises ont nommé un ou une responsable pour piloter cette stratégie.
Jusqu'à récemment, il s'agissait principalement de projets isolés sur des verticales précises, et rarement à l'échelle des territoires entiers. Mais deux métropoles ont lancé des chantiers d'envergure en 2019, et qui pourraient faire des émules après les municipales : Dijon, suivie par Angers. La première investira 105 millions d'euros sur douze ans, dans le cadre d'un appel d'offres remporté par un consortium composé de Bouygues Energie et Services, Citelum (filiale d'EDF), Suez et Capgemini. Sur la même durée, la métropole angevine déboursera 178 millions d'euros, cette fois-ci accordés à un groupement mené par Engie Solutions, avec Suez, La Poste et le groupe mutualiste VYV.
Economiser l'énergie et les deniers
Le but principal de ces projets : réaliser des économies, dans un contexte de baisse des dotations de l'Etat aux collectivités. "L'objectif numéro un est l'économie des ressources", confirme Constance Nebbula, conseillère déléguée à l'innovation d'Angers Loire Métropole. "C'est une vision optimisée du fonctionnement des services", abonde Philippe Berthaut, directeur général des services de Dijon Métropole.
Cela passe d'abord par des économies d'énergie attendues de l'ordre de 65%, grâce au passage à de l'éclairage public en LED, accompagné de mats et d'armoires électriques connectés. Moins énergivores, il doit aussi permettre un pilotage plus fin, à l'échelle d'un quartier ou de certains lampadaires. Il est également possible de varier l'intensité, ou de déclencher l'allumage en fonction du passage dans une rue, grâce à des capteurs détectant les mouvements. Des objectifs de sobriété énergétique que les consortiums se sont engagés à tenir, sous peine de pénalités financières.
Capteurs par milliers
L'autre aspect phare de ces projets est d'optimiser le fonctionnement des collectivités, avec la construction d'un hyperviseur. Point névralgique de la ville intelligente, il regroupe en un seul endroit différents postes de supervision auparavant éclatés (police, circulation, neige, éclairage, déchets, stationnement…). "En cas de blocage, nous savons où intervenir et comment prioriser pour fluidifier la ville, parce que nous avons la couche d'intelligence qui nous permet de coordonner les moyens d'intervention", se satisfait Philippe Berthaut.
Toujours au rayon de l'efficacité, l'installation de dizaines de milliers de capteurs sur toutes sortes d'équipements publics (feux, caméras, bornes d'accès aux zones piétonnes…) permettra de les contrôler à distance. Par exemple pour autoriser un véhicule à entrer dans une rue piétonne ou donner la priorité aux bus lors du passage de carrefours à feux. C'est aussi une manière de mieux organiser les opérations de maintenance en offrant une vue en temps réel de l'état de tous les équipements et de leurs besoins de réparations pour modifier rapidement les missions des techniciens en cas d'urgence.
"Les villes pourront-elles facilement changer de prestataire au bout de douze ans ?"
Alors, les deux collectivités viennent-elles de réaliser un bond technologique et de dépasser leurs rivales ? Pas vraiment. Ce modèle de smart city centralisé pourrait être copié par des collectivités de tailles similaires (Dijon et Angers ont reçu des visites de dizaines d'entre elles), mais n'est pas forcément adapté aux plus grandes villes de l'Hexagone. "Il y a tellement de marchés historiques différents dans ces grandes métropoles, qui ont déjà investi dans la smart city depuis des années, qu'il serait compliqué de mettre tout le monde autour de la table pour lancer un marché unique", observe Cédric Verpeaux, responsable des investissements innovants à la Caisse des dépôts, et fin connaisseur des dossiers smart city français.
Par ailleurs, ces grandes métropoles ont des services informatiques conséquents, qui veulent garder le contrôle et rejettent cette approche déléguant des pans entiers de la gestion de services publics à des entreprises privées. "Pourront-elles changer facilement de prestataire au bout douze ans avec ces technologies de plus en plus intégrées et complexes ?", s'interroge Cédric Verpeaux. "Contractuellement, c'est possible. Mais ça l'était aussi pour les Vélib', et on a vu le résultat."