François Gonczi (EDF) "Nous voulons adopter un mode agile à grande échelle"
A l'approche de la Nuit du Directeur Digital, le CDO de la branche commerce d'EDF France revient pour le JDN sur le chantier majeur qu'il conduit pour transformer le groupe.
Le JDN propose pour la quatrième année consécutive le 19 juin prochain un événement destiné à récompenser les meilleurs chief digital officers de France. Pour en savoir plus : la Nuit du Directeur Digital.
JDN. Quel est votre principal chantier en cours ?
François Gonczi. Notre but est de mettre l'humain au cœur de notre transformation numérique au service de nos 25 millions de clients dans l'Hexagone et dans le cadre d'une démarche véritablement omnicanale. Nos clients choisissent, à part à peu près égale, leur canal de contact, téléphone ou application numérique. Cela change aussi le métier de nos 10 000 collaborateurs au sein de la branche commerce d'EDF France.
Cela porte notamment sur trois grands domaines : l'état d'esprit de nos équipes, leurs compétences et leur façon de faire. L'état d'esprit concerne surtout les deux cents premiers managers d'EDF France qui en basculant en mode agile perdent un peu de leurs prérogatives initiales car ils interviennent de plus en plus en mode projet. Il faut qu'ils réalisent qu'il existe d'autres manières de faire que le mode de fonctionnement traditionnel, notamment en manière de design thinking et de mesure des performances. Il leur faut aussi démystifier l'intelligence artificielle ou les chatbots, aussi bien en interne que vis-à-vis des clients.
Il faut être pertinent afin que les équipes soient toujours en mouvement, qu'il s'agisse de produire un démonstrateur ou de co-innovation. Nous voulons désormais adopter un mode agile à grande échelle.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières durant ce chantier et comment les avez-vous contournées ?
Nécessairement, même si ces deux mondes, l'humain et le numérique, ne sont pas ennemis. Nous ne fonctionnons pas en silo et voulons que nos clients puissent se connecter par tous types de moyens sans faire exploser les coûts tout en sachant que l'omnicanal est quelque chose d'assez compliqué.
Comment êtes-vous organisé et de quels moyens disposez-vous ?
Je suis rattaché à Henri Lafontaine, le responsable de la relation client et membre du comité exécutif du groupe. C'est un rattachement hiérarchique très haut dans l'organigramme, ce qui permet de lever certains verrous s'il s'en présente. Je dispose de quarante collaborateurs directs dont une vingtaine de data scientists ainsi que d'une quarantaine de collaborateurs extérieurs sur des sujets très précis - innovation, intelligence artificielle, big data. Parmi les questions que l'on se pose : comment mieux intégrer le savoir-faire des start-up au service de nos clients et dans de nouveaux produits de type industrie 4.0. De ce point de vue, nous n'avons pas de partenaires privilégiés et nous travaillons avec tout le monde, aussi bien des jeunes pousses de l'énergie que les géants du logiciel. Nous sommes totalement agnostiques et n'avons pas de partenaires privilégiés dans la durée. Nous sommes d'abord un intégrateur de technologie permanent.
Côté budget et même si tout n'est pas entre les mains du CDO, disons que cela se chiffre en dizaines de millions d'euros en France et en centaines de millions par an au niveau du groupe.
Comment s'articule cette mission au niveau du groupe et de ses activités internationales ?
Jean-Bernard Lévy, le PDG d'EDF, a décidé en 2015 de nommer des CDO dans toutes les business unit majeures, qu'il s'agisse de production nucléaire, de production thermique, d'énergies renouvelables, d'EDF Energy, notre filiale britannique, etc. Nous sommes ainsi une petite dizaine de CDO dans le groupe et sommes coordonnés par Christophe Salomon, le DSI du groupe EDF.
Avec la mise en place du RGPD en Europe, nous avons aussi une forte actualité réglementaire. Nous avons tout revisité et nous sommes prêts. Cela dit, restons modestes. Nous travaillons depuis longtemps en relation étroite avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) même si cette dernière passe désormais d'un rôle de conseil à une posture de contrôle. Nous avons notamment beaucoup travaillé sur l'expérience client et le consentement explicite et préalable, notamment dans la centralisation des accords de nos clients.
Avez-vous pris des initiatives spécifiques vis-à-vis de l'écosystème des start-up ?
Nous travaillons avec des start-up depuis trois ou quatre ans et sommes notamment présent dans Electranova Capital aux côtés d'ID Invest depuis 2012. Nous avons également procédé à des spin-off afin d'éviter une certaine forme d'étouffement, notamment au sein d'EDF Nouveaux Business, qui est lui-même un générateur de start-up. Parmi ces dernières, on trouve par exemple Agregio, un agrégateur d'énergies renouvelables, ou Métroscope, un spécialiste de la maintenance prédictive et de l'IA dans l'univers du nucléaire.
Résumé du projet
Pourquoi ce projet est-il innovant ?
"Parce qu'il permet de mettre l'humain au cœur de la transformation numérique. Il s'agit d'une nouvelle étape vers toujours plus d'innovation, notamment à travers l'intelligence artificielle, ainsi qu'une montée en compétences de nos collaborateurs et sans chercher à les remplacer".
Pourquoi ce projet est-il stratégique ?
"Nous sommes persuadés que nos clients préfèrent avoir un être humain plutôt qu'une machine pour interlocuteur. Or, nous voulons pouvoir répondre à l'ensemble de nos clients, du digital native aux moins sensibles aux nouvelles technologies".
Pourquoi ce projet est-il transformateur ?
"Encore une fois parce qu'il faut aussi des êtres humains dans la relation-client et que cela se voie. C'est fondamental pour notre image et celle d'EDF".
Pourquoi ce projet est-il accélérateur ?
"Parce que pour pouvoir accélérer, il n'était pas indispensable de mettre en place un fonctionnement agile. Mais c'est un fonctionnement qui fonctionne très bien !"