François Gonczi (EDF) "EDF a lancé un hub domotique en à peine 9 mois"
Alors que la Nuit du Directeur Digital se rapproche, le directeur numérique de la branche commerce d'EDF présente au JDN ses projets digitaux les plus stratégiques.
JDN. Quel est votre projet le plus innovant mené en 2016 ?
François Gonczi. Nous avons rénové notre offre destinée aux entreprises qui opèrent de grands bâtiments tertiaires. Lancé début 2016, notre nouveau service est basé sur l'analyse du big data et l'intelligence artificielle. Nous traitons les données collectées grâce à des capteurs installés dans les constructions. L'objectif ? Conseiller nos clients pour qu'ils améliorent l'efficacité énergétique de leurs édifices, qu'ils réduisent leur consommation d'eau… Nous ne posons pas ces objets connectés, ce n'est pas notre métier. Nous nous connectons simplement au système IoT de nos utilisateurs, quelle que soit la marque qu'ils ont choisie avec leur installateur. La plateforme permet de piloter à distance les installations énergétiques et d'alimentation en eau d'un building.
Nous avons construit différentes offres. La plus simple fait au client des recommandations 100% automatisées, basées sur l'analyse de ses données par des algorithmes spécialisés. 20 000 bâtiments l'utilisent aujourd'hui en France. La plus complexe, utilisée dans 2 000 édifices, combine ce travail algorithmique avec les conseils d'un "energy manager" expert de la thermique, qui personnalise ces propositions. Nous espérons voir la clientèle de ces deux services doubler cette année.
Et le plus stratégique pour votre groupe ?
En novembre 2016, EDF a lancé en France Sowee, un hub domotique permettant de piloter la smart home. C'est le premier appareil intelligent lancé par l'énergéticien, qui n'est historiquement pas un producteur d'objets connectés et même d'objets tout court. C'est un vrai défi pour une entreprise de notre envergure de se lancer dans un champ nouveau où elle est rangée dans la catégorie des challengers, sur un terrain souvent occupé par d'agiles jeunes pousses. Pour lancer ce projet, nous avons travaillé en mode start-up, avec une petite équipe qui a conçu Sowee et les services associés en six mois à peine. Cela n'empêche pas cette nouvelle branche d'être très importante pour EDF, dont le core business dépend des particuliers. Nous espérons vendre un million d'appareils d'ici 2026.
"Les salariés d'EDF passionnés par le traitement de données peuvent s'inscrire à un concours de data science, dont les vainqueurs seront formés pour devenir de futurs data" scientists
En quoi avez-vous transformé EDF depuis votre arrivée ?
Cela fait un an et demi que je suis à mon poste et 13 ans que j'ai intégré le groupe. Depuis que je suis directeur numérique de la branche commerce, j'ai essayé avec mon équipe de faire basculer ce géant de l'énergie au numérique, pas en lançant une petite brigade d'innovations qui fonctionnent en vase clos, mais en faisant évoluer l'ensemble de cette énorme structure.
Nous avons mis en place une filière de recrutement interne afin de repérer les talents digitaux méconnus, même s'ils sont historiquement rares chez un énergéticien. Les salariés passionnés par le traitement de données peuvent par exemple s'inscrire à un concours de data science. Les vainqueurs seront formés pour devenir de futurs data scientists. Nous avons également recruté des salariés sur les métiers émergeants. 20 personnes travaillent désormais dans notre équipe de data scientists. Nous avons également embauché des spécialistes du marketing digital.
Mais opérer la transformation digitale d'EDF signifie également faire évoluer des métiers anciens, en y intégrant une nouvelle composante numérique. Nos experts en process industriels ont par exemple appris à piloter une plateforme digitale pour donner à leurs clients de meilleurs conseils sur l'efficacité énergétique. EDF a réalisé un vrai effort de formation pour aider ses salariés à monter en compétence sur ces thématiques.
Quelle est l'importance de la data pour EDF ? Comment l'utilisez-vous dans le cadre de vos projets ?
La data n'a pas d'importance en tant que tel. Elle devient centrale au moment où elle est nettoyée et analysée pour rendre de vrais services à nos clients. Les data scientists de notre groupe savent bien entendu manipuler les données mais ils sont surtout dotés d'un solide sens du client. Ils mettent le doigt sur leurs besoins pour développer des offres adaptées.
"Nous avons lancé début 2016 un nouveau service destinée aux entreprises qui opèrent de grands bâtiments tertiaires basé sur l'analyse du big data et l'IA"
Nous avons par exemple lancé fin 2015 un service baptisé Muse au sein de notre filiale Citelum. Cette branche est historiquement un exploitant d'éclairage public. Les équipes de cette structure savent parfaitement comment maximiser l'efficacité des interventions des services de la ville pour remplacer les ampoules. Grâce aux données collectées par des capteurs installés dans les rues par les nouvelles smart cities, nous sommes capables de leur fournir un outil de décision, pour qu'elles perdent un minimum de temps au cours de leurs opérations de terrain pour renouveler les ampoules, mais aussi les caméras de surveillance, les feux tricolores…
En quoi votre action a permis à EDF de poursuivre sa transformation numérique en 2016 ?
Pour accélérer le mouvement, j'ai appliqué deux recettes secrètes. Nous avons fait travailler nos équipes en groupes projets, sur des périodes allant de trois à six mois maximum. Ces groupes mêlent des compétences diverses, qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble dans une entreprise qui a longtemps fonctionné en silo. Ces chefs de projet ont toute ma confiance. Je ne fourre pas mon nez dans l'organisation interne de leur pool, sauf en cas de conflit important.
Par ailleurs, pour que ces projets avancent, ils doivent à mon sens être mis en lumière. Je leur donne donc un maximum de visibilité en interne et même en externe grâce à la publicité. J'ai un petit budget dédié à cela. Je suis directement rattaché à Henri Lafontaine, directeur exécutif groupe du pôle client, qui est un membre du Comex. Cela me permet de faire remonter les bonnes idées jusqu'au sommet sans difficulté.
Le JDN propose pour la troisième année consécutive le 21 juin prochain un événement destiné à récompenser les meilleurs chief digital officers de France. Pour en savoir plus : la Nuit du Directeur Digital.