Recrutement : et si 2024 signait le retour du rôle social de l'entreprise ?
Depuis peu l'IA est présente dans toutes les conversations. Entre annonce de destruction d'emplois, évolution des métiers restants et gestion des compétences, quel rôle l'entreprise doit-elle jouer ?
L'émergence de l'IA dans le processus de recrutement
L'expérience d'un collaborateur commence dès son processus de recrutement, un domaine qui semble actuellement perturbé par l'essor de l'intelligence artificielle. Pourtant, l'utilisation de l'intelligence artificielle et de l'automatisation dans le domaine du recrutement n'est pas un phénomène si nouveau : les méthodes de travail des recruteurs intégraient déjà l'informatisation des processus et l'analyse des données.
Ce qui change cette année, c'est la place prépondérante que va prendre l'IA dans le recrutement, et la question de son impact sur le rôle traditionnel des ressources humaines. Les chiffres rapportés par Businesssolution vont dans le sens d'une révolution des processus : 67 % des responsables RH estiment que l'IA leur permet de gagner du temps et 89 % pensent que la technologie améliorera le processus de candidature. Ils observent également une diminution des dépenses par candidat sélectionné de 75 %.
En parallèle, certains s'effraient d'une expérience de recrutement 100 % automatisée, donnant ainsi écho aux fantasmes d'une IA qui remplacerait totalement l'humain, tandis que d'autres se réjouissent d'une IA qui supprimerait certains aspects chronophages de leur travail, mais ferait aussi disparaître les biais cognitifs.
Faut-il trancher entre le pour et le contre ? À ce stade, plutôt que l'éternelle dualité homme versus machine, il faut penser la révolution de l'IA sous l'angle de l'homme aux côtés de la machine.
L'IA se révèle en effet être un outil d'une grande valeur, capable d'assister les recruteurs dans leur métier. En automatisant les tâches répétitives et en minimisant les biais cognitifs, elle leur offre la possibilité de se concentrer sur les aspects plus stratégiques et décisionnels de leur rôle, tout en conservant la prérogative finale de la décision d'embauche.
Le rôle du recruteur va ainsi devoir être repensé sous l'angle de l'accompagnement du candidat : accompagner plutôt que sélectionner, lui vendre un projet commun et redonner toute sa place au rôle social de l'entreprise.
Privilégier l'humain plutôt que les compétences
Selon une étude Indeed, la France reste ancrée dans la culture du " profil idéal ", pour plus de 80 % des sondés. Cette tendance conduit les candidats à pratiquer l'autocensure : 91 % d'entre eux ont déjà renoncé à répondre à une offre d'emploi, la jugeant au-delà de leurs compétences et plus de 80 % croient que les recruteurs sont peu enclins à faire des compromis concernant les qualifications des postulants…
Alors qu'en réalité, 85 % des responsables RH sont prêts à recruter un candidat qui n'aurait pas toutes les compétences requises, à condition que ce dernier reconnaisse ses points faibles et soit disposé à bénéficier d'une formation.
Dans cette idée d'accompagnement du candidat, le facteur humain est central et redonne ses lettres de noblesse à la fonction sociale de l'entreprise. 85 % des emplois de 2030 n'existent pas aujourd'hui (Étude de Dell et Institute for the Future). De quoi se décomplexer et prendre des risques de recrutement dans une situation qui tend à être un cas de figure de plus en plus courant. Sans oublier que l'un des leitmotivs des recruteurs se résume tout simplement par : " Ai-je envie de travailler avec cette personne ?
La formation et le développement des talents : un investissement essentiel en 2024
La question de l'IA et de l'automatisation des tâches porte en elle une autre problématique : la notion même du travail telle qu'on l'a connue jusqu'ici va être remise en question. 25 % des compétences demandées par les recruteurs en 2015 sont déjà obsolètes, selon une récente enquête LinkedIn. Ce pourcentage devrait atteindre 65 % d'ici 2030.
À quoi ressemblera le monde du travail dans 10 ans ? S'il est encore difficile de répondre à cette question, nous pouvons déjà entrevoir que les tâches quotidiennes d'aujourd'hui seront automatisées demain. Selon le World Economic Forum, 50 % des employés dans le monde verront leur poste requalifié en raison de la robotisation. Or, recruter et former des gens qui ne seront plus aptes d'ici une à deux années, ou chercheront une évolution ailleurs, coûte trop cher aux entreprises. Ces dernières doivent voir au-delà du simple rapport contractuel et anticiper les aspirations de leurs équipes.
Le rôle social des entreprises n'est pas seulement de fournir un travail, mais plutôt de garantir une employabilité. Assurer à ses salariés que si demain, leur poste disparaît, ils puissent être réemployables. Et cet enjeu passe par la formation et le développement des soft skills.
Entre fascination, fantasmes, engouement et appréhension, les récentes avancées technologiques et sociales présentent de nouveaux défis aux entreprises. Mais au lieu d'anticiper les enjeux de ces dernières années, elles ont davantage été dans la réaction que dans la prévention, alors même que leur rôle social est de suivre le pas des évolutions sociétales. Espérons que 2024 signe de façon nette le retour de leur utilité sociale, dans un monde où les mutations sont aussi gages de promesses