Son interview par Brut est-il un succès sur les réseaux sociaux pour Emmanuel Macron ?
En donnant une interview live à Brut, Emmanuel Macron a montré sa volonté d'atteindre et d'engager un public jeune sur les sujets clés qui touchent le pays.
L’enjeu était doublement important pour le président : à court terme, prendre le temps de s’adresser spécifiquement à un groupe, particulièrement touché par les conséquences de la crise sanitaire et l’actualité récente ; à plus long terme, renforcer l’engagement politique des jeunes et dans l’idéal, gagner leur confiance et leur vote pour la présidentielle de 2022.
Peu de temps avant les élections municipales de 2020, l’Ifop, mandaté par l’ANACEJ et le Forum Français de la Jeunesse (FFJ ), publiait les résultats d’une enquête d’opinion qui dévoilait le désengagement politique croissant des jeunes de 18 à 25 ans. Un tiers des inscrits sur les listes électorales seulement se déclaraient intéressés par ces élections.
A minima, on ne peut que reconnaître l’originalité de cette opération qui a au moins le mérite de trancher avec les habitudes de la 5e république. Cependant, au-delà de l’originalité, est-ce un succès ?
La vidéo live est un format de plus en plus populaire auprès des marques et des influenceurs qui cherchent à se rapprocher de leur public via les réseaux sociaux. Quelle que soit la plateforme considérée, le succès des images et du son au détriment du texte est manifeste, particulièrement depuis le début de la crise sanitaire, alors que les audiences d’internet en général explosent. Sur ce plan-là, le choix du président a sans doute été pertinent.
M. Macron a choisi un média récent, dont la popularité ne cesse de croître. En dépassant ainsi les traditions de la fonction présidentielle et en osant s’aventurer en terrain moins connu, il a généré un engagement fort de la part du public. 96 000 interactions ont été recensées pendant la durée de son échange avec l’équipe de journalistes. Ces très bons chiffres semblent également confirmer la pertinence du choix stratégique de Brut comme canal pour son intervention.
Plus important encore peut-être, la mesure de l’engagement pendant la durée totale de l’interview montre que les internautes sont restés attentifs pendant près de deux heures et demie, gardant une fréquence de commentaires et d’interactions homogène tout le long de l’interview. L’intégralité des sujets abordés semble avoir correspondu aux attentes du public. Tous ont bénéficié d’un volume d’interaction similaire sur Facebook. Une très belle performance, d'autant plus notable si l'on prend en compte la durée habituelle des contenus vidéo de Brut : quelques minutes.
Le bilan qualitatif de cet engagement est toutefois plus mitigé et trahi un public assez polarisé. Les réactions positives à cette interview (« like » et « love ») sont, de loin, les plus nombreuses ce qui à première vue indique une réception plutôt positive à ce format. Cependant le grand volume de réactions associées à de la colère, presque aussi élevé que celui de réactions d’approbation montre que les détracteurs étaient également nombreux à regarder l’émission en direct.
Sur l’évaluation de la tonalité le bilan est moins ambigu et bien moins encouragent pour M. Macron. Une vaste majorité des commentaires partagés sont évalués comme négatifs. Un tiers environ sont neutres, ne laissant la place que pour moins de 12% de commentaires positifs. Le cliché des Français plus prompts à critiquer qu’à se satisfaire de l’action de leurs politiciens semble se vérifier presque caricaturalement dans cette répartition.
Bien que l’engagement social et politique des jeunes ne se traduise pas toujours jusqu’aux urnes, sur les réseaux sociaux, ils n’hésitent pas à s’exprimer, partager, manifester et lutter contre les injustices. L’interview du Président Macron a suscité un engagement important et des réactions fortes. Peu importe le ton adopté, ces interactions montrent que cette tranche d’âge n’est pas insensible au discours politique. Comme souvent en communication, tout est une affaire de canal. Sur ce point le président semble avoir été bien avisé et a su aller à la rencontre d’un public qui se considère peut-être moins représenté dans l’audience des médias plus traditionnels. Deux questions restent cependant à résoudre. Le plus jeune des présidents de la cinquième république sera-t-il capable de transformer cet engouement en déplacement aux urnes, plus important encore, est-ce que cela jouera en sa faveur ?