Le marché de la création d'entreprise en ligne en voie de consolidation
Depuis quelques années, plusieurs start-up proposent de créer sa société via leur portail web. Dans un marché presque arrivé à maturité, elles cherchent à se diversifier.
Créer une entreprise nécessite plusieurs démarches : se faire immatriculer auprès du CFE (centre de formalités des entreprises), demander un Kbis au greffe du Tribunal de commerce... Pour faciliter ce processus, des start-up proposent de créer son entreprise entièrement en ligne. L'entrepreneur, après avoir déposé son capital de départ à la banque, s'inscrit sur le site et personnalise des statuts prérédigés. La plateforme se charge d'envoyer le dossier de façon dématérialisée au CFE mais aussi de publier l'annonce légale. L'entrepreneur reçoit ensuite son extrait Kbis et peut dès lors commencer son activité.
Plusieurs start-up ont investi ce créneau. Parmi les pionnières, il y a Legalstart.fr et Captain Contrat, créées en 2013. Legalstart.fr revendique actuellement 100 000 utilisateurs depuis son lancement que ce soit pour de la création d'entreprise ou ses autres activités comme la création de documents juridiques. Captain Contrat affiche de son côté 6 000 entreprises immatriculées via ses services en cinq ans. Il y a aussi Agence Juridique, créée en 2015 et rachetée en avril 2018 par le groupe Legal2digital, lui-même éditeur des Affiches Parisiennnes, un des principaux journaux d'annonces légales. La plateforme cite un chiffre de 5 000 entreprises créées en trois ans.
"On a débuté il y a cinq ans. Depuis, les choses ont évoluée à vitesse grand V", commente Philippe Wagner, CEO de Captain Contrat. "De plus en plus de démarches se font en ligne, la création d'entreprise n'y échappe pas", complète Ben Khenkine, directeur marketing de Legalstart.fr. Car le secteur de la création d'entreprise en ligne progresse chaque année comme tout le marché de la legaltech (fourniture de documents, statistiques juridiques…). Selon une étude de l'association Assas Legal Innovation et Legalstart.fr, on comptait près de 166 start-up dans la legaltech en 2018 contre seulement 7 en 2013. La même étude note d'ailleurs une bonne croissance du marché du droit en général (en incluant les cabinets d'avocats, les éditeurs…) qui est passé de 23,9 à 31,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires de 2012 à 2018.
Le secteur de la création d'entreprise peut-il encore grandir ? Pour Nathan Rothman, co-fondateur d'Agence juridique, le marché "est arrivé à maturité". Pour Philippe Wagner, il existe encore des perspectives de développement, la maturation, "ce sera peut-être pour 2019". Ben Khenkine, en revanche, voit plus large : "le marché est encore jeune, il y a encore beaucoup de place pour un autre acteur". "Un marché sans concurrence n'est pas un marché", conclut-il. Une concurrence qui ne vient évidemment pas que de la tech. "Beaucoup de créateurs d'entreprise passent encore par des experts-comptables", note Nathan Rothman.
Pour se développer, la clé reste la diversification. Avec pour objectif l'accompagnement des entrepreneurs dans toutes leurs démarches. Agence juridique prévoit d'investir dans la génération de documents juridiques. "Comme des CGV ou un registre du personnel", projette Nathan Rothman. Chez Legalstart.fr, on a déjà conclu des partenariats avec des grands groupes comme Axa ou la BNP ou avec la néobanque Qonto. "Nous avons décidé de nous allier pour proposer un ensemble de services aux créateurs d'entreprises", explique Ben Khenkine. Philippe Wagner, de Captain Contrat, envisage aussi de renforcer ses partenariats avec les banques et les assurances. "Les banques et les assurances se demandent comment apporter des services à leurs entreprises clients et nous, on se demande comment une banque ou un assureur peut envoyer ses clients vers Captain Contrat".
Mais la loi Pacte pourrait bien bousculer les choses. En effet, le texte, encore en discussion au Parlement, prévoit la création d'un portail public dès 2021 pour créer son entreprise "100% en ligne" et qui "sera l'unique interface" pour les entrepreneurs, selon un communiqué du ministère de l'Economie. Il existe déjà guichet-entreprises.fr mais le service se contente de transmettre au CFE qui gère ensuite l'immatriculation. La réforme prévoit une simplification avec une plateforme numérique qui sera l'interlocutrice unique et directe du créateur avec une procédure entièrement dématérialisée.
"On a une approche positive sur le sujet", dit Ben Khenkine, pour qui la création d'une telle plateforme ne peut que renforcer la dynamique autour des démarches en ligne. Il rappelle que Legalstart.fr ne permet pas seulement d'immatriculer son entreprise mais fournit aussi un modèle de statuts. "Nous, on cohabite avec les concurrents", affirme le directeur marketing.
"Ce site ne marchera pas", pense en revanche Nathan Rothman. Pour lui, la plus-value des services privés reste la relation client. Philippe Wagner renchérit : "Ce n'est pas parce qu'on a construit une solution de création d'entreprise en ligne qu'on va simplifier la création d'entreprise". Le CEO souligne qu'"il y aura toujours un besoin d'accompagnement des PME dans un environnement qui se complexifie".