Et si la mobilité internationale devenait la norme ?
Levier du développement économique, nouveau relai de croissance et accélérateur de carrières… autant d’aspects qui font de la mobilité internationale un enjeu crucial pour les entreprises innovantes.
En France, si la "fuite des cerveaux" est une réalité depuis le début des années 2000, cela est d’autant plus vrai aujourd’hui, notamment dans le secteur de l’innovation technologique, où les profils sont rares, exigeants et mobiles. Par exemple, l’industrie des Smart X (smart city, smart grid, smart car…) est friande d’ingénieurs et autres développeurs. La concurrence internationale y est rude, tant sur le plan économique qu’en matière d’attractivité des talents.
Plus étonnant, il n’est pas rare de voir des profils quitter un CDI en France pour un CDD à l’étranger. Pour sauter le pas, leurs motivations sont multiples et bien souvent imparables : promesse d’une vie meilleure, recherche de sens, rêves d’aventure, ou tout simplement rapprochement familial.
Afin de fidéliser leurs talents, les entreprises de la tech doivent aujourd’hui faciliter les départs et encourager les retours. D’ailleurs, l’enjeu va bien au-delà de la fidélisation. On constate que le fait de proposer des perspectives internationales est un réel levier de recrutement.
Vers une carrière "globale"
En 2018, 2 à 2,5 millions de Français seraient expatriés. Une mobilité internationale qui enregistre près de 3,4% de croissance annuelle. Les chiffres du rapport Genetet du Ministère des Affaires étrangères parlent d’eux-mêmes : l’international attire les jeunes cadres et c’est dans le cadre scolaire qu’il faut chercher la genèse de ce succès.
La France est le pays qui envoie le plus d‘étudiants en programme Erasmus+ (43 745 étudiants en 2017) devant l’Allemagne, l’Espagne et L’Italie. Les programmes d’échanges universitaires, en Europe et ailleurs, se sont généralisés et les bourses pour la mobilité se sont également multipliées. Selon le site d’Erasmus, 80 000 personnes ont bénéficié, en France, d’une mobilité dans le cadre de leurs études, stages ou volontariats en Europe ou hors Europe en 2017.
Parallèlement, c’est toute une culture du travail nomade qui a émergé, aidée par la globalisation. Tout semble aller dans le sens d’une démocratisation de la mobilité internationale au sein des entreprises : la demande est de plus en plus forte, les secteurs s’ouvrent progressivement à des programmes de partenariats internationaux. Pôle-Emploi lui-même encourage la prospection à l’étranger avec son programme EURES.
Pourtant, le cap reste difficile à franchir pour bon nombre d’entreprises françaises
D’une part, les freins sont avant tout culturels. A l’inverse des pays nordiques qui ont déjà intégré cette souplesse et malgré de belles initiatives qui se déploient, la France reste encore frileuse vis à vis de cette mobilité. La peur d’une fuite des talents persiste… Les entreprises ont encore tendance à envisager la volonté de départ à l’étranger d’un collaborateur comme une perte, une sorte de "démission de la France". Difficile encore pour certaines d’entre elles de considérer cette vision globale qu’ont les salariés de leur carrière comme une opportunité. Pourtant, le plus souvent, cette expatriation profitera aussi bien à l’entreprise qu’au collaborateur. Mettre en place un programme de mobilité, notamment dans les entreprises innovantes permettra un essaimage de compétences et la promesse d’un retour d’une grande valeur pour la marque employeur. Avec, à la clé, un avantage concurrentiel crucial dans un secteur aussi compétitif.
D’autre part, si offrir des opportunités de mobilité internationale à ses salariés est une décision stratégique, il existe bien souvent des freins structurels auxquels pourraient être confrontées les entreprises, surtout lorsqu’il ne s’agit pas d’un grand groupe. Par exemple, ne pas avoir de filiale à l’étranger complexifie la donne.
Néanmoins, il est tout à fait possible de partir dans une optique de "business development". Sur place, les possibilités d’accueil ne manquent pas : consulats, chambres de commerce ou entreprises partenaires.
Enfin, attention à l’acculturation administrative : il faudra savoir répondre aux interrogations des salariés sur des problématiques notamment fiscales et sociales, mais aussi gérer les démarches qui reviennent à la maison mère.
Autant d’éléments qu’un grand groupe maîtriserait facilement, mais qui pourraient constituer un obstacle, à priori infranchissable, pour une structure de taille plus modeste.
Alors, comment tirer parti de cet élan international pour les PME, ETI et autres Start-up?
Tout d’abord, les entreprises françaises bénéficient d’un outil de choix : le V.I.E (Volontariat International à l’Etranger). Lancés en l’an 2000, ces contrats sont fortement convoités par les jeunes diplômés, et très avantageux pour les entreprises.
La formule est simple : envoyer un collaborateur de moins de 28 ans à l’étranger dans le cadre de missions de R&D ou commerciales, le tout, dans des conditions pour le moins optimales.
Pour l’employé, l’expérience sur CV est très valorisante puisqu’elle permet l’épanouissement de softs skills comme la sociabilité ou la débrouillardise – des qualités qui seront ensuite scrutées par les recruteurs. En 2017, 70% des volontaires ont transformé leur V.I.E. en CDI. Pour l’entreprise, le V.I.E permet de faire rayonner son expertise française à l’étranger, mais également d’attirer de nouveaux talents.
En décembre 2017, le programme V.I.E. a dépassé le seuil de 10 000 missions simultanées et plus de 65% des entreprises ayant eu recours à ce type de contrats étaient des PME.
Il existe un autre aspect à ne pas négliger : la communication auprès des entreprises.
S’il existe de nombreux portails étatiques sur la mobilité internationale, leurs contenus s’adressent principalement aux salariés. On peut déplorer l’inexistence de services offrant un interlocuteur privilégié aux entreprises, une source d’informations unique, centralisée, qui permettrait au référent en ressources humaines, de devenir un interlocuteur qualifié et légitime de la mobilité, et ce quelle que soit la taille de la société.
Il est aujourd’hui établi que la réussite d’une expatriation dépend à 70% du niveau d’information donné aux salariés par l’entreprise. Négliger l’aspect communication met en péril le projet, dévalorise l’expérience vécue par le collaborateur et bien souvent, réduit les perspectives de retour.
Faire revenir les talents et en attirer de nouveaux
Si les freins au départ sont importants, ceux qui peuvent s’opposer au retour des talents ne doivent pas être négligés.
Pour 75% d’entre eux, l’asymétrie des salaires entre la France et leur pays d’expatriation est un vrai facteur de renoncement. A cela s’ajoutent un Droit français parfois peu avantageux et des démarches administratives dont la réputation a depuis bien longtemps dépassé les frontières de l’hexagone. Résultat : 65% des expatriés n’envisagent pas un retour en France dans les 5 ans (source : Baromètre 2018 EY / France Digitale).
Même pour les salariés qui reviennent en France dans l’entreprise qui leur a permis l’expatriation, il existe bien souvent un choc culturel du retour qui peut mettre en péril leur motivation et donc leur fidélité.
Mais depuis quelques années, de belles initiatives voient le jour, avec pour ambition d’attirer les talents ayant fuit la France. L’Etat, les associations d’expatriés et même la fine fleur de la French Tech se mobilisent pour "ramener les Français à la maison".
En 2015, un collectif d’entrepreneurs français a lancé un projet visant à faire revenir les talents expatriés. D’abord baptisée "Reviens Léon", puis "WONDERLEON" depuis 2017, l’initiative se matérialise sous la forme d’une plateforme de recrutement à destination des entreprises de la tech française et européenne désireuses d’attirer des profils internationaux. Bien plus qu’un site offrant des jobs, WONDERLEON assure un accompagnement logistique ou encore juridique pour les talents séduits par un retour (ou une expatriation) en France et en Europe. Une initiative bienvenue quand on apprend que 61% des start-up françaises estiment encore qu’il est difficile de recruter des talents en France et que 49% d’entre elles ont embauché des talents étrangers en 2017 (source : Baromètre 2018 EY / France Digitale).