Tout ce que vous aimeriez savoir sur l'approche générationnelle
L'approche des générations est une démarche qui ne laisse personne indifférent mais qui fait l'objet de beaucoup d'incompréhensions.
Trois questions nous sont souvent posées au sujet de l'approche générationnelle: Est-elle crédible ? Pourquoi faut-il s'inquiéter de la situation actuelle ? Comment expliquer l'ampleur de cette transformation ? Tentons d'y répondre.
L'approche générationnelle est elle crédible ?
Généralement, la première question qui l'on se pose est de savoir s'il est bien légitime de penser que le fait d'avoir le même âge peut être en soi une clé d'analyse suffisante pour comprendre les aspirations et les modes de fonctionnement d'une génération.
En d'autres termes, est-il sérieux de croire que le fait d'avoir un même vécu à l'âge de l'adolescence entraîne que nous puissions ensuite durablement penser ou agir de la même manière ? Une petite décennie aura été nécessaire pour que cette réalité soit acceptée comme légitime au même titre que peut l'être l'éducation ou bien encore l'appartenance à un milieu socio-culturel. Et pourtant, cette révélation n'est pas nouvelle puisque Goethe affirmait déjà au milieu du 19 ème siècle que "nous ne sommes pas les enfants de nos parents mais ceux de notre époque".
Et pourtant, déjà à cette même époque les travaux de Karl Mannheim apportent une légitimité scientifique à cette thèse en montrant qu'une génération qui regroupe un ensemble de personnes ayant à peu près le même âge tire des expériences vécues au moment de l'adolescence une vision partagée du monde. C'est cette approche que l'on retient aujourd'hui dans le domaine du management pour identifier les différentes générations au travail à savoir les baby boomers (1946-1964), la Génération X (1965 -1979), la Génération Y (1980-1995) et la Génération Z (1996-2008).
Chaque génération se construit à travers quelques "marqueurs" ou faits marquants qui peuvent être économiques, culturels ou techniques. La période de croissance des 30 glorieuses vécue par les baby boomers n'a pas grand chose à voir avec la récession économique liée aux grands chocs pétroliers des années 70 et la panne de l'ascenseur social qui incarnent l'arrivée de la Génération X sur le marché du travail. A chaque période, son histoire spécifique et ses propres marqueurs.
Pourquoi il faut s'inquiéter
La seconde question que l'on se pose concerne les raisons qui justifient le tapage médiatique fait autour de l'intégration des nouvelles générations à savoir la génération Y et maintenant la Génération Z. La première raison est démographique.
Il n'échappe à personne que le renouvellement des effectifs est d'un tiers pour la période 2015-2025 et que n'avons pas connu d'équivalent en France depuis la dernière guerre mondiale. L'allongement du temps de travail lié à la réforme des retraites retardent un peu le phénomène mais il va en accroître encore la complexité de mise en oeuvre. Un enjeu fort est évidemment la transmission des connaissances dans un contexte où nous pouvons craindre un faible niveau de tuilage. Il serait trop simple de faire que chacun apprenne de son prédécesseur. La seconde raison est culturelle.
Nous voyons bien que les nouvelles générations ont une autre relation au temps, à l'organisation et à l'autorité. Ils ont une autre vision de ce que doit être le sentiment d'appartenance, la fidélité ou le projet de carrière. Avec la Génération Y les vieilles recettes du passé ne parviennent pas à assurer l'assimilation des nouvelles recrues dans l'entreprise et cette difficulté va encore s'accentuer avec la Génération Z qui considère d'ailleurs le salariat comme une alternative parmi d'autres. Le départ à l'étranger représente une autre possibilité. Dans un tel contexte, les entreprises doivent repenser le système de management et pas seulement faire quelques ajustements de posture si elles veulent attirer et fidéliser les talents.
Comment expliquer l'ampleur de cette transformation ?
Combien de parents affirment qu'ils ne comprennent pas leurs enfants ? Comment expliquer cette transformation que nous n'avons pas été vraiment capable d'anticiper et que nous avons encore souvent du mal à comprendre ? La vitesse du changement technologique et le développement de la mondialisation expliquent l'importance de ce déphasage.
La génération Y est la première génération qui arrive sur le marché du travail avec une compétence dont ne dispose pas les générations précédentes à savoir sa maîtrise des outils digitaux. Par le biais des nouvelles technologies, des jeunes nés sur des continents différents écoutent la même musique et regardent les mêmes séries. Ils ont les mêmes pratiques culturelles et celles ci ne sont en rien liées à une transmission parentale.
La rupture générationnelle trouve sa source dans le fait que les transmetteurs de valeurs ne sont plus les mêmes. Traditionnellement, les valeurs étaient transmises par la famille, l'école, la religion et l'armée. Aujourd'hui, c'est internet et le réseau d'amis qui assurent une grande partie de la socialisation et pas seulement l'éducation parentale. Dans ce monde, ce sont les pairs qui sont devenus plus influents que le père. Et cette réalité n'est pas seulement le fait des pays occidentaux elle s'observe sur la planète entière. Un jeune marocain n'a pas besoin d'avoir un ordinateur pour s'ouvrir au monde et appartenir ainsi à plusieurs communautés. Il lui suffit d'aller au cyber-café.