En 2014, le travail sera plus virtuel que jamais
L'annonce de la fusion des sites Elance et oDesk, deux géants de l'externalisation du travail sur Internet, va marquer l'évolution du travail. Si les autorités de la concurrence donnent leur aval, le nouveau mastodonte du travail 3.0 va transformer le quotidien des freelance et autres travailleurs indépendants.
Notre relation au travail est en train de changer. Bien que le salariat traditionnel constitue le fondement de notre économie et de notre organisation sociale, aujourd'hui, de plus en plus de personnes découvrent les avantages du travail indépendant, non-salarié. Les freelance sont déjà très nombreux au sein des industries créatives, notamment parce qu'elles confèrent aux créatifs une certaine autonomie dans le choix de leurs missions et la fixation de leurs tarifs.Depuis quelques années, ce modèle commence aussi à s'imposer dans de nombreux autres domaines comme le conseil, la comptabilité, le marketing ou les services juridiques. "Un nouveau modèle d'emploi a récemment vu le jour : le travail 3.0, explique Anne Audibert dans Le Cercle des Echos, c'est-à-dire une combinaison de travail à la demande et de travail distant, au sein d’équipes virtuelles". Le marché mondial du travail à temps partiel est estimé à 422 milliards d'euros, et les plateformes de travail 3.0 grignotent de plus en plus de parts de marché.
Des entreprises comme CloudFactory, CrowdFlower, Elance, Freelancer, oDesk se sont spécialisées dans la mise en relation des employeurs et des travailleurs pour des missions diverses, souvent de courte durée, et payées bien au-delà des prix du marché (un procès a d'ailleurs été intenté par un "travailleur 3.0" qui jugeait que la rémunération qu'il percevait de CrowdFlower violait la loi américaine, l'issue est toujours incertaine). Ces sociétés sont en train de transformer l'industrie du travail indépendant.
Comme toute industrie émergente, celle-ci est en train de se consolider. En 2012, quatre plateformes de crowdsourcing ont fusionné; en septembre 2013, la société de services aux entreprises Appirio a racheté la plateforme de crowdsourcing TopCoder; et en décembre 2013, on a appris la fusion des deux leaders mondiaux du travail 3.0, Elance et oDesk. Si les autorités américaines approuvent ce rapprochement, cette fusion créera LE géant mondial du travail 3.0, prêt à prendre d'assaut le marché du travail à temps partiel, voire même celui du salariat traditionnel.
"Nous ne sommes pas obligés de fusionner. Nous l'avons choisi délibérément, déclare Gary Swart, aujourd'hui directeur général de oDesk, qui deviendra conseiller stratégique de la nouvelle société, c'est une question d'économies d'échelle et des synergies" Les chiffre d'affaires combiné estimé de Elance et oDesk s'élève à environ 750 millions de dollars en 2013, ce qui constitue toujours moins de 1% du marché du travail à temps partiel. M. Rosati, directeur général de Elance et futur PDG de la nouvelle structure est confiant: "Le monde va là où nous allons".
C'est certainement un peu ambitieux de voir cette alliance de Elance avec oDesk comme l'avènement d'une révolution du travail. Les entreprises ne pourraient pas fonctionner uniquement en externalisant des tâches via Internet, et les travailleurs ne seraient certainement pas prêts non plus à accepter des rémunérations si basses que celles proposées sur ces sites de travail 3.0 (Techcrunch rappelle que les travailleurs moyens sur Elance et oDesk ont gagné moins de 100 dollars en 2013). Un autre inconvénient est que le fonctionnement de ces sites est extrêmement transactionnel, rendant difficile la prise en compte des relations de confiance entre travailleurs et employeur, comme le souligne Forbes.
Mais il n'empêche que, malgré ces limites, une tendance claire se dessine. Des entrepreneurs, des chercheurs et même des géants de la nouvelle économie comme Facebook ou LinkedIn utilisent massivement ces sites pour externaliser l'exécution de tâches répétitives et à faible valeur ajoutée. Et avec la démocratisation croissante du travail 3.0, on assistera certainement à la montée des revendications de la foule. L'année 2014 verra donc peut-être aussi l'émergence du premier syndicat des travailleurs virtuels.