Montée en puissance des biomédicaments : le secteur est-il prêt à répondre à la demande ?
Pendant deux ans, les agences de réglementation mondiales ont concentré leurs efforts sur l'approbation des tests et des vaccins contre la Covid-19.
Au terme de la pandémie, leur attention se reporte sur les modalités d’autorisation de mise sur le marché de nouveaux médicaments. En 2022, le nombre de produits biologiques approuvés (15) a suivi la tendance des petites molécules approuvées (22) pour la première fois. Au cours de cette période, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a autorisé six biosimilaires, portant le total à 74 en Europe. Le secteur des produits biologiques montre une croissance régulière, avec de nouvelles modalités telles que les ADC, les anticorps bispécifiques et les thérapies cellulaires et géniques représentant environ un tiers des approbations par rapport à l'année précédente.
Cependant, selon le pré-rapport Evaluate Vantage 2023, la demande de biomédicaments est en forte croissance, avec 7 des 10 médicaments les plus vendus dans le monde étant des produits biologiques ou des vaccins. De plus, pour les nouveaux médicaments devant générer les meilleures ventes en 2023, 8 sur 10 sont des produits biologiques. Dans les années à venir, plus de 30 molécules ne seront plus protégées par des brevets expirés, dont beaucoup seront des médicaments orphelins ayant des concurrents biosimilaires en préparation, ce qui renforce davantage le marché mondial des produits biologiques. Face à cette demande croissante, l'Europe doit s'adapter pour répondre aux besoins du marché des biomédicaments.
L’Europe confrontée aux contraintes capacitaires
Le nombre croissant d'autorisations soulève des questions quant à la capacité mondiale de production et les contraintes potentielles si ces défis ne sont pas anticipés. Une planification rigoureuse et des investissements importants sont nécessaires pour tirer parti de la biothérapeutique, tout comme l'accès aux compétences en R&D et aux opérations CMC (Chemistry, Manufacturing and Controls). Certains rapports prévoient une expansion significative des capacités mondiales de production biologique, avec des entreprises envisageant d'augmenter leurs capacités internes ou de recourir à des partenaires de fabrication en sous-traitance dignes de confiance. Des experts estiment que l'Europe pourrait devenir leader mondial de la production biologique dans les cinq prochaines années, avec une augmentation potentielle de sa capacité de production jusqu'à 15 %.
Compte tenu des défis inhérents à la production de produits biologiques, l'expansion des capacités existantes pourrait prendre de deux à trois ans, avec des initiatives telles que l'automatisation continue et l'adoption de nouvelles technologies de biotransformation à différentes échelles. En outre, les principaux pays européens maintiennent leur focalisation sur les études STEM et les investissements en R&D, pour promouvoir la création de clusters biotechnologiques et une collaboration étroite entre entreprises, universités et organismes de recherche. Des incitations gouvernementales, telles que des crédits d'impôts pour la R&D et la création de clusters biopharmaceutiques, soutiennent ces investissements, positionnant l’UE comme une destination attractive pour la production biopharmaceutique. Des leaders du secteur comme Pfizer, BMS, Janssen, Amgen, Sanofi, Takeda, ainsi que des acteurs émergents, ont déjà établi leurs opérations techniques et sites de fabrication en Irlande pour bénéficier de cet environnement favorable.
L’importance des investissements stratégiques et de la formation de talents
La mise en place de nouveaux sites de production représente un défi majeur en raison de la nécessité d'avoir un personnel qualifié, notamment en matière de qualité et de bonnes pratiques de fabrication. La gestion efficace des produits biologiques et de la médecine de précision, tels que les thérapies cellulaires et géniques, requiert des compétences pointues en développement, production et contrôle. L'Irlande dispose d'une expertise reconnue en fabrication dans des environnements stériles et en production de vaccins, ce qui en fait une destination propice à la production commerciale de cellules souches. Son écosystème biopharmaceutique attire des professionnels qualifiés avec une solide expérience dans la fabrication, l'assurance qualité, le développement de produits et les processus réglementaires, accueillant également neuf des dix principales entreprises biopharmaceutiques.
De l’autre côté de la mer Celtique, le gouvernement français a investi 800 millions d’euros pour stimuler le développement de nouvelles biothérapies et accompagner l'évolution du tissu industriel. Dans le cadre de cet objectif, le programme de recherche "Biothérapies et bioproduction de thérapies innovantes" (PEPR), co-piloté par le CEA et l’Inserm, bénéficie d'une dotation de 80 millions d’euros de France 2030. Il vise à former les talents de demain et à les intégrer durablement dans les entreprises et les hôpitaux grâce au dispositif "Compétences et métiers d’avenir", avec l'objectif de créer 10 000 nouveaux emplois dans la filière des biotechnologies.
Perspectives d’avenir
Le secteur des produits biologiques connaît une expansion rapide avec l'approbation de nouveaux produits et l'émergence de nouvelles modalités. Cette croissance entraîne des défis en termes d'équilibre entre l'offre et la demande, incitant les entreprises à investir massivement dans leurs capacités de fabrication. Le changement d'accent des agences de réglementation vers l'approbation régulière de nouveaux médicaments et les avancées dans les technologies de fabrication, au lieu des tests et des vaccins liés à la pandémie de Covid-19, ouvre des perspectives positives. Le nombre croissant d'approbations pour les produits biologiques, y compris les biosimilaires, stimule l'expansion du marché mondial, incitant les entreprises à augmenter leurs capacités de production, soit en interne, soit en les externalisant vers des CMO, laissant entrevoir une Europe devenir leader mondial dans ce domaine.
Si la croissance prévue des produits biologiques promet une expansion de la capacité de production, les incertitudes persistent quant à l'équilibre de l'offre et de la demande, soulignant la nécessité d'une action rapide. Les pays européens ont ainsi tout intérêt à créer un environnement favorable pour attirer les entreprises disposant des compétences nécessaires pour relever les défis de cette industrie en pleine croissance.