Moskitos, l'iPaaS français qui séduit le Cac 40
Spécialiste de l'intégration inter-applicative en mode cloud, Moskitos est le seul acteur européen à avoir intégré le Magic Quadrant de Gartner. Son offre a convaincu L'Oréal, PSA ou Valeo.
C'est le seul Français et même le seul Européen d'un marché accaparé par des Américains. Dans le très convoité Magic Quadrant de Gartner consacré à l'iPaas (integration platform as a service), Moskitos cohabite avec IBM, Microsoft, Oracle, Dell et même Salesforce depuis que ce dernier a mis la main sur MuleSoft. De fait, le marché des offres cloud d'intégration d'applications attise les convoitises. Ce segment aurait, selon le Gartner, dépassé le milliard de dollars en 2017, en hausse de 72% sur un an.
L'iPaaS répond, il est vrai, à un des grands enjeux IT du moment puisqu'il permet à des systèmes hétérogènes, évoluant dans des environnements hybrides, de dialoguer entre eux. En cela, il est l'évolution d'acronymes bien connus du monde de l'intégration informatique que sont l'EAI (intégration d'applications d'entreprise), l'ESB (bus applicatif) ou encore l'ETL (extraction, transformation et chargement des données). Autant de concepts, plus ou moins anciens, appelés à converger vers l'iPaaS. Car si l'EAI ou l'ETL ont été conçus pour gérer les flux de données au sein de systèmes d'information internalisés, l'iPaaS a vocation, lui, à relier l'ancien monde du on-premise au cloud voire à s'ouvrir au "cloud to cloud". Il pourra par exemple connecter le back-office IT d'une entreprise au nouvel univers digital porté par ses applications mobiles ou objets connectés.
Dans ce monde de l'urbanisation et de l'industrialisation des flux inter-applicatifs, Moskitos entend se faire une place. L'éditeur de Levallois-Perret a été cofondé en 2012 par Bertrand Masson, Jérémie Devillard, et Maxime Labelle, des spécialistes en architecture orientée services (SOA) qui ont travaillé par le passé pour des ESN comme CGI et Micropole. Yann Massot, aujourd'hui directeur général de la société, les a rejoints en 2015.
Une plateforme ouverte et multicloud
Baptisé Crosscut, le produit phare de Moskitos n'est autre qu'une plateforme d'intégration et de gouvernance de la donnée et des API. En amont, elle pilote l'acquisition d'informations issues de systèmes hétérogènes via un catalogue de connecteurs. "Il s'agit de s'affranchir des protocoles de communication et d'aller chercher la donnée dans les bases relationnelles ou NoSQL, les ERP, les CRM et même les progiciels verticaux", explique Bertrand Masson. Deuxième étape gérée par la plateforme : transformer la structure des messages pour les rendre lisibles. Enfin, Crosscut manage l'orchestration des flux. Tel message devant alimenter le système de comptabilité sera, par exemple, routé vers SAP.
Crosscut se différencie par une approche ouverte et best-of-breed. "Nous ne cherchons pas à enfermer nos clients dans des choix technologiques. Ils peuvent choisir des solutions alternatives à nos offres qui viendront se greffer à notre plateforme", avance Bertrand Masson. Pour étendre la capacité de sa solution, Moskitos a noué des partenariats avec des acteurs du robotic process automation (UiPath, Contextor), de l'API management (Axway, CA technologies) ou encore l'open data (OpenDataSoft).
Originellement limité à Microsoft Azure, dont Moskitos est partenaire Gold depuis janvier 2019, Crosscut est désormais disponible sur AWS et Alibaba Cloud. Afin d'étendre encore sa couverture, la société de Levallois-Perret compte signer prochainement des accords avec un provider français et avec d'autres prestataires en Europe et en Asie.
L'origine européenne de Moskitos lui confère un autre atout. Sous juridiction européenne, la plateforme est aussi conforme au RGPD, comme l'assure Bertrand Masson. "Nous garantissons que la donnée ne sera pas conservée plus longtemps que le client ne le décide tout en étant en capacité de la supprimer pour respecter le cadre réglementaire". Enfin, Moskitos entend démocratiser l'accès à l'iPaaS. Via son module Community Portal, il a récemment introduit un "mode wizard" pour ouvrir sa plateforme à des profils non-IT qui souhaiteraient gérer eux-mêmes les échanges entre applications.
"Une entreprise ne peut pas tout casser et faire fi du passé"
Ces différents atouts ont convaincu des fleurons de l'économie française. Parmi les clients de Moskitos figurent des références telles que L'Oréal, PSA, Transdev ou encore Valeo en France. A l'international, Coca-Cola s'est laissé séduire. Au total, la société revendique 5 000 clients.
Pour Bertrand Masson, un iPaaS répond à quelques grandes problématiques. Dans les cas les plus courants, il s'agit de valoriser l'existant (legacy). "Un groupe qui possède un AS400 et ne peut le remplacer pour des raisons budgétaires doit pouvoir le faire dialoguer avec les nouvelles briques du SI". En cela, Moskitos s'opposerait à son concurrent MuleSoft dont le mot d'ordre est "first, break IT". "Une entreprise ne peut pas tout casser et faire fi du passé", estime Bertrand Masson. Autre objectif recherché : accélérer le passage au cloud et faciliter l'accès aux services innovants. "Grâce notamment à Crosscut, le DSI de Nextdoor a pu faire sortir de terre un nouveau SI dans le cloud en six semaines", illustre Bertrand Masson. Quant à L'Oréal, il s'est adossé à la plateforme pour déployer de nouveaux services d'IA centrés sur la recommandation de produits en magasins. Dernier cas d'usage : le concept d'entreprise plateforme. Sur ce terrain, le spécialiste du prêt immobilier CAFPI a fait appel à Moskitos pour permettre à ses courtiers d'accéder aux données des établissements bancaires en temps réel.
Un haut niveau de satisfaction client
Pour distribuer sa solution, Moskitos dispose de sa propre structure commerciale tout en s'appuyant sur un réseau de partenaires, cabinets de conseils et intégrateurs, parmi lesquels Accenture, Keyrus, Micropole, Nuageo, Talan ou Econocom. En juin dernier, l'entreprise levait 2,5 millions d'euros auprès du fonds CapHorn Invest. Objectif : financer son expansion internationale (sachant que la société dispose déjà d'une filiale à Singapour). Fort d'une cinquantaine de salariés, Moskitos compte aussi sur ce financement pour poursuivre les développements autour de sa plateforme. Il compte notamment la faire évoluer d'une architecture mono-tenant à muli-tenant (pour mieux adresser le marché des start-up, PME et ETI), moderniser l'expérience utilisateur, mais également bâtir un environnement codeless pour gérer le mapping de flux de données sans avoir à toucher au code.
Le modèle de facturation de Moskitos repose sur l'abonnement. Il dépend du nombre de data centers retenus, de la ressource machine utilisée et du volume de données échangé.
Dans son Magic Quadrant, où Moskitos fait partie des acteurs de niche, le Gartner relève un haut niveau de satisfaction chez les entreprises utilisatrices de la plateforme. Le cabinet d'études salue la polyvalence de Crosscut qui "combine développements internes et partenariats technologiques". Néanmoins, le cabinet rappelle que "Moskitos est une petite entreprise […] principalement concentrée sur la France et les pays voisins", dont le chiffre d'affaires reste modeste en dépit d'"une croissance significative à deux chiffres". Le Gartner estime que ce niveau de revenu ne pourra soutenir les ambitions de la société à long terme et que pour parvenir à ses fins elle devra procéder à un apport substantiel de financement extérieur.