Vers un sérieux coup de froid sur le cloud cet hiver
A l'heure où l'inflation engendre des hausses de tarifs chez les providers, l'ombre de la récession se profile de plus en plus nettement pour 2023. Des conditions qui poussent les clients à rationaliser leurs dépenses.
Le ciel s'assombrit pour les cloud providers. Alors qu'ils avaient été propulsés sur le devant de la scène pendant la pandémie Covid, la nouvelle crise les impacte de plein fouet. L'explosion des cours de l'énergie les oblige à revoir leurs prix à la hausse. En France, OVHCloud et Scaleway ont annoncé une augmentation moyenne de tarif de 10%. Des annonces qui interviennent alors que le gouvernement aurait décidé de ne pas maintenir à 120 TWh le volume d'électricité à montant régulé pour 2023. Il retomberait 100 TWh (lire l'article Sans coup de pouce de l'Etat, les clouds français forcés d'augmenter leurs tarifs de 20% en 2023). Leurs concurrents étatsuniens ont dégainé plus tôt. Dès mars 2022, Google Cloud dévoilait une majoration de son pricing. Idem pour Microsoft avec la suite Microsoft 365 en août 2022. A la différence des fournisseurs européens, tous deux subissent l'explosion du dollar, qui est passé de 0,8 à 1 euro depuis le début de l'année. Avec à la clé une hausse mécanique de 16% de la facture pour leurs clients en Europe. Du côté des opérateurs de centres de données, Equinix et Telehouse ont augmenté leur prix de 30%, et Interxion de 14% en début d'année.
Les entreprises subissent de front ces augmentations. Plus globalement, elles sont confrontées à une inflation galopante (proche de 10% en Europe), des taux d'intérêt en hausse et une consommation des ménages en baisse. De là à envisager de réduire leurs dépenses en matière de cloud, il n'y a qu'un pas, d'ores et déjà franchi. Fin octobre, Amazon, Microsoft et Intel annonçaient de concert que leurs clients mettaient un coup de frein aux dépenses sur ce terrain, comme sur celui des centres de données. Signe de ce déclin, le taux de croissance de l'entité cloud d'Amazon, AWS, n'a cessé de s'éroder au cours des quatre derniers trimestres. De juillet à septembre, son chiffre d'affaires a progressé de 27,5%, contre 33% au deuxième trimestre et 39% sur la même période de 2021. En deçà des prévisions des analystes (qui s'attendaient +31%), il s'agit de la croissance la plus faible jamais enregistrée par AWS depuis la publication de ses résultats à partir de 2014. Dans la foulée, la valeur de l'action du groupe a chuté de 16%.
Les dépenses déjà en net repli
La correction est plus sévère pour Microsoft. Sur son dernier trimestre fiscal, clos au 31 septembre 2022, son activité cloud (Azure) affiche une croissance de 35% alors qu'elle atteignait 50% lors de même période en 2021. Là encore, le résultat est en dessous des prévisions du marché qui tablait sur une hausse de 36,5%. Quant au chiffre d'affaires trimestriels de Google Cloud à l'issue du mois de septembre, il progresse de 38% sur un an. Un niveau qui dépasse certes les attentes du marché, mais qui se situe en net repli au regard de la croissance de 45% enregistrée un an plus tôt. Chez Intel, les chiffres se recoupent. Le fondeur déplore une chute de 27% du CA tiré de la fabrication de puces destinées aux centres de données au troisième trimestre 2022. Une activité touchée en partie par la faiblesse de la demande des entreprises chinoises.
"80% des entreprises vont faire pivoter leurs efforts d'innovation de la créativité vers la résilience en 2023"
Sans surprise, la hausse des ventes de serveurs subit un coup de frein au deuxième trimestre 2022 avec des expéditions en augmentation séquentielle de seulement 3,3%, contre +9% prévu (selon Digitimes Research). Et la tendance devrait se poursuivre.
Qu'en est-il d'OVH ? Depuis son entrée en bourse en octobre 2021, il s'agit du seul pure player européen du cloud à publier ses résultats financiers. Sur son quatrième trimestre fiscal clos au 31 août 2022, l'entreprise de Roubaix hisse sa croissance à 37,4%, contre +25% à l'issue de son premier trimestre fiscal 2022 consécutif à son IPO. L'activité de cloud public d'OVH totalise un chiffre d'affaires de 33,8 millions d'euros sur la période. Contre 20,5 milliards de dollars pour AWS sur son trimestre clos au 30 septembre. Face aux mastodontes américains, le groupe d'Octave Klaba entend se positionner à terme comme le numéro 1 du cloud souverain sur les données en Europe.
Le FinOps en ligne de mire
A l'heure où les DSI négocient leurs budgets pour 2023, tous les indicateurs sont au rouge, tant sur le plan des dépenses en matière de cloud que des investissements sur le front des serveurs et des data centers. "80% des entreprises vont faire pivoter leurs efforts d'innovation de la créativité vers la résilience en 2023", indique Forrester dans ses prévisions. "La hausse des coûts, les problèmes d'approvisionnement et la pénurie mondiale de talents technologiques ont un impact sur la capacité à offrir une expérience client positive. Par conséquent, les futurs décideurs IT seront plus pragmatiques lorsqu'il s'agira d'expérimenter des innovations pour mieux répondre aux besoins de leurs clients." En parallèle, les infrastructures de calcul et de stockage utilisées par les applications en production vont plus que jamais être rationnalisées. Principal mot d'ordre : le FinOps.