Google pousse la norme Video.plcmt : les publishers ont-ils raison de s'inquiéter ?
Avec l'entrée en jeu du SSP de Google, le nouveau standard de qualification des inventaires vidéo s'impose au marché. Les éditeurs en ligne craignent de voir leurs CPM baisser au profit des plateformes.
L'adoption de Video.plcmt, le nouveau standard de classification des inventaires publicitaires vidéo en programmatique, gagne un allié de poids avec l'adhésion, depuis le 1er avril, de Google Adx et plus précisément de Google Ad Manager, AdSense et AdMob. Si jusque-là le marché était plutôt attentiste, avec The Trade Desk comme le seul DSP militant pour son adoption, l'arrivée des outils publicitaires de Google côté éditeurs va accélérer la généralisation de ces nouvelles règles. Cela permettra également aux acheteurs se servant de DV 360 (le DSP de Google) de cibler leurs achats en tenant compte de ces nouvelles indications.
Près de deux ans après sa première proposition et un an après son adoption par l'IAB Tech Lab, qui l'a intégré dans la mise à jour d'OpenRTB en mars 2023, ce nouveau standard continue d'inquiéter les publishers. Ces derniers craignent qu'un nouveau coup de massue ne vienne s'abattre sur leurs recettes publicitaires. Mais pourquoi autant d'inquiétude ?
Video.plcmt introduit de nouvelles exigences en matière de qualification des inventaires vidéo publicitaires et notamment ceux payés au prix fort : seul un type de contenu – dit "primary" dans le texte original du standard, ce que l'on pourrait traduire par "principal" ou "le plus important" – est retenu comme étant de l'instream à proprement parler. Il s'agit d'une vidéo publicitaire insérée dans un contenu éditorial dont le visionnage est qualifié de volontaire par le vidéonaute ("click to play").
Or, les publishers issus historiquement du print, qui se sont énormément investis dans la production de vidéos éditoriales ces dernières années, craignent de se voir accaparer des budgets au profit de plateformes, notamment de streaming. Nombreux sont ceux qui n'ont toujours pas compris précisément comment ce nouveau standard doit être appliqué. D'autres ne cachent pas leur déception : "Cette décision a été actée sans aucune concertation avec l'ensemble des acteurs qui créent des contenus vidéo, et notamment les publishers. Force est de constater qu'elle va encore privilégier les plateformes", regrette la responsable de la régie d'un grand groupe média français.
Mais ces professionnels ont-ils raison de s'en inquiéter ? Selon une source proche du dossier au sein même de l'IAB, la réponse à cette question est "non" si le média en ligne produit des vidéos de qualité, c'est-à-dire répondant aux critères établis pour être qualifié d'instream primary. "Ce standard n'exclut pas les vidéos des publishers par défaut de la catégorie instream primary. Il suffit de répondre aux critères établis", explique l'expert.
Ces critères sont au nombre de trois. Pour être qualifié d'instream "primary", l'inventaire vidéo doit :
- intégrer un contenu vidéo éditorial ayant été choisi et cliqué par l'internaute ("click to play") ;
- la vidéo doit être le principal contenu de la page, même si rien ne l'empêche d'être accompagnée d'un titre ou d'un chapô pour la présenter et même d'un texte de quelques paragraphes d'explication de la vidéo, tant que celle-ci reste l'objet principal de la page.
- être en son "on".
Si on se fie à ces trois critères, de nombreuses vidéos d'éditeurs premium de la presse écrite et magazine peuvent rentrer dans cette catégorie primary. Pourquoi alors autant d'inquiétude ? Il faut dire que l'IAB Tech Lab elle-même a semé la confusion quand elle a vulgarisé cette notion en l'amalgamant assez souvent avec la notion de contenu de type vidéo streaming ou OTT. Selon des sources souhaitant rester anonymes, il est vrai que les acteurs ayant poussé l'adoption de cette norme sont des fervents promoteurs des inventaires CTV. Mais ce n'est pas tout : "Beaucoup d'éditeurs ont pris l'habitude de monétiser des vidéos imposées en autoplay sous l'étiquette instream. Or, ces vidéos ne sont pas qualitatives car elle n'attirent pas l'attention des vidéonautes", résume un responsable d'agence. Et c'est bien le but affiché par l'organisme américain ayant formulé ce nouveau standard : combattre les pratiques consistant à vendre aux annonceurs au prix fort – jusqu'à +50% du CPM – des vidéos qui en réalité n'ont pas de valeur ajoutée. Cela est possible car on pouvait tout mettre derrière l'ancienne classification "instream" : aussi bien un inventaire de qualité placé dans des contenus éditoriaux qualitatifs choisis volontairement par l'utilisateur, comme une pub diffusée sans son et en autoplay, par conséquent sans que l'utilisateur l'ait choisie.
Selon cette nouvelle classification, tout inventaire de vidéos même éditoriales qui ne sont pas l'objet principal de la page sera classé en tant que "contenu associé". Comme l'indique Google, une "annonce vidéo lue avant, pendant ou après le flux d'un contenu vidéo dont le son est désactivé, qui occupe une petite partie d'une page incluant essentiellement du texte" sera considérée un contenu associé. Ce qui englobe tout le chapitre des vidéos dites "outstream". Lorsque la publicité vidéo est diffusée sans aucun contenu éditorial, le player tombera dans une troisième catégorie, de type "autonome" (en anglais "no content/standalone"). Enfin, une quatrième catégorie, l'interstitiel, est dédiée aux publicités vidéo en pleine page faisant la transition entre deux contenus.
Bien que la norme Video.plcmt ne soit pas obligatoire, son adoption par les outils publicitaires les plus utilisés du marché la rendra en pratique incontournable. Un changement salué par les acheteurs, qui estiment gagner en visibilité sur ce sur quoi ils investissent, mais avec un gros bémol : "Cette mesure, bien que positive, n'est pas suffisante car tout s'articulera sur la base du déclaratif : les éditeurs pourront dire ce qu'ils veulent. Espérons qu'ils joueront vraiment le jeu", nous confie le patron d'un trading desk.
Du côté de chez Google a priori, en France en tout cas d'après nos informations, l'éditeur devra juste se baser sur le critère du son "on" pour qualifier son inventaire instream comme étant primary. "C'est logique qu'ils demandent cela comme critère puisque sur Chrome tout ce qui est autoplay est obligatoirement en mute, autrement le contenu est bloqué. On peut donc déduire d'une publicité diffusée en son "on" qu'elle fait partie d'un contenu cliqué par l'utilisateur", nous précise un acheteur.
Même si le marché reste prudent, de l'avis de la majorité des observateurs que nous avons consultés, les publishers proposant un inventaire vidéo de qualité n'auront rien à craindre. Cet inventaire aujourd'hui noyé dans la masse aurait de grandes chances de se retrouver valorisé sur le moyen terme, le temps que la nouvelle classification se mette vraiment en place. Reste à savoir si cette valorisation compensera le manque à gagner avec le reste de l'inventaire, de type "contenu associé" ou "autonome", relégué au rang d'inventaire de moindre valeur, et commercialisé sans doute à des CPM beaucoup plus bas.