Christophe Rauturier (PSA) "Avec l'IA, nous évaluons la performance des fournisseurs de pièces détachées"
A l'occasion de la Nuit du Directeur Digital, le chief data officer du groupe PSA présente au JDN l'un de ses plus gros chantiers numériques de 2018.
Le JDN propose pour la cinquième année consécutive un événement destiné à récompenser les meilleurs chief digital officers de France. Pour en savoir plus : la Nuit du Directeur Digital.
JDN. Quelle innovation majeure avez-vous développée en 2018 en termes de données ?
Christophe Rauturier. Nous avons mis en place un système d'évaluation des performances des pièces détachées. Un constructeur comme PSA dépend énormément des pièces détachées, qui sont fabriquées par de nombreux fournisseurs tiers et assemblées dans nos usines. C'est un grand enjeu de contrôle qualité, car un trop grand nombre de pièces défectueuses nous empêche d'optimiser nos flux de production et nuit donc à notre rentabilité. Notre direction des achats est chargée d'évaluer la performance de ces pièces, sur la base de remontées d'informations provenant de chaque usine. Mais jusqu'à présent, elle recevait des données fragmentées et très peu analysées sur le nombre d'incidents par fournisseur et par pièce. Nous sommes en train d'équiper la direction des achats d'un dashboard doté de capacités d'analyse de données et d'intelligence artificielle. Il est utilisé par une cinquantaine de personnes chez Peugeot, Citroën, DS et Opel. Il comptera à terme 200 utilisateurs.
Le dashboard permet d'abord de visualiser au même endroit l'ensemble des données de qualité concernant un même fournisseur, usine par usine et pièce par pièce. Pour ce faire, nous avons croisé des bases de données qui étaient auparavant cloisonnées et y avons ajouté des data-visualisations afin de les rendre plus exploitables. L'utilisateur peut également suivre certains fournisseurs afin de surveiller l'évolution de leur indice qualité historique, mais aussi afficher une synthèse de la situation des derniers jours avec les alertes en cours de traitement ainsi que leur niveau de gravité, mais aussi l'état de la chaîne logistique d'approvisionnement en pièces détachées.
Ces données sont analysées par un modèle d'apprentissage automatique pour produire un indicateur de tendance, un outil qui indique la probabilité pour chaque pièce et chaque fournisseur d'avoir affaire à des éléments défectueux. Grâce cet outil, les équipes qui gèrent la relation avec leurs fournisseurs gagnent du temps et disposent de plus d'informations pour choisir ceux sur lesquels elles vont focaliser leur attention pour faire améliorer la qualité des pièces détachées.
Comment ce projet a-t-il été mené à bien ?
En 2016, le plan de croissance de PSA a identifié le numérique et les données comme de forts contributeurs à cette croissance, au moment où le sujet data commencait à arriver à maturité dans les entreprises. Notre DSI, qui voyait le potentiel de ces technologies et du big data, a poussé à développer l'analyse des données. Nous avons ensuite identifié plusieurs projets jusqu'à mi-2017, puis recruté deux data scientists afin d'élaborer des proof of concept. Nous sommes à présent en train d'industrialiser trois projets dont nous avons su démontrer la rentabilité, dont celui que nous présentons aujourd'hui.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Il a fallu convaincre les différents métiers du groupe en les sensibilisant à la donnée, car le sujet était surtout porté par la DSI et les data scientists. Une fois qu'un sponsor est embarqué, il devient moteur et nous aide à faire passer le message.
Résumé du projet :
Pourquoi est-il innovant ?
"Nous avions les données sous les yeux, mais elles étaient en vrac, ni agrégées, ni mises en forme. Nous innovons en simplifiant la vie des employés sur un sujet métier précis."
Pourquoi est-il stratégique ?
"Ce projet correspond à notre ambition d'être le constructeur de référence en termes d'efficience de production."
Pourquoi est-il transformateur ?
"Cela change notre façon de travailler. Il faut faire confiance à la donnée, même lorsque l'on est surpris par les résultats. Ce n'est pas à nous d'expliquer notre modèle d'analyse au fournisseur, mais à lui de nous expliquer ce qui ne va pas."