par
Marc d'Haultfoeuille
et Florence Zauderer,
avocats
Clifford Chance
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Le
30 juin 2003, la portabilité des numéros mobiles, entendue
comme la possibilité pour un abonné de changer d'opérateur
tout en conservant son numéro, devrait être lancée commercialement
en France métropolitaine. Cette date est importante.
En effet, alors que la portabilité des numéros fixes
est en France d'ores et déjà mise en place, la portabilité
des numéros mobiles devrait finir de desserrer l'un
des freins à la concurrence, en permettant au consommateur
d'exercer pleinement son choix. Comme le note une directive
du Parlement Européen et du Conseil en date du 7 mars
2002, "la
portabilité du numéro est un élément moteur du choix
du consommateur et du jeu effectif de la concurrence".
C'est
sous l'égide de l'Autorité de Régulation des Télécommunications
(ART), et à la suite d'une consultation des grands acteurs
du marché, que les règles de mise en uvre de la portabilité
ont été définies. Ces règles définissent à la fois les
conditions d'utilisation de ce service par le consommateur,
et de mise en uvre de la portabilité par les opérateurs
.
Une
mise en place orchestrée par l'ART
Les opérateurs ont pris l'engagement de mettre en place
la portabilité alors qu'ils n'y étaient pas obligés
par les règles directement applicables en droit français.
L'impulsion initiale est européenne. La Directive du
7 mars 2002 impose en effet aux Etats membres de veiller
à ce que les abonnés des services téléphoniques, y compris
les services mobiles, qui en font la demande puissent
conserver leur numéro (Article 30 de la Directive 2002/22/CE
précitée). Ces dispositions doivent être transposées
dans les pays de l'Union au plus tard le 24 juillet
2003.
A
l'heure actuelle, aucun projet de loi visant cette transposition
n'est discuté au Parlement. Or, il n'est pas certain
que le Droit français en vigueur prévoit une telle portabilité.
En effet, l'article L.34-10 du Code des Postes et Télécommunications
visant le droit à la portabilité du numéro à compter
du 1er janvier 2001, fait référence à un changement
d'implantation géographique de l'abonné. Cette mention
laisserait à penser que seule la portabilité des numéros
fixes est concernée.
Les
opérateurs se sont pourtant engagés à mettre en place
la portabilité des numéros mobiles, sous l'égide de
l'ART. C'est en effet à l'issue d'une consultation publique
que l'ART a adopté, le 11 juillet 2002, les Lignes Directrices
relatives à la Portabilité des Numéros Mobiles (décision
n°02-549 de l'Autorité de Régulation des Télécommunications
portant adoption des Lignes Directrices relatives à
la Portabilité des Numéros Mobiles). En concertation
avec les opérateurs, et avec l'avis des associations
de consommateurs, l'Autorité a ainsi défini les conditions
techniques et juridiques de cette portabilité. Les Lignes
Directrices définissent à la fois les conditions de
l'utilisation de ce service par le consommateur, et
de mise en uvre par les opérateurs.
Les conditions d'utilisation le consommateur
L'abonné
formulera sa demande de portage concomitamment à la
résiliation de son contrat d'abonnement auprès de son
opérateur d'origine. Puis, muni d'un bon de portage
fourni par son opérateur d'origine, il pourra souscrire
un nouveau contrat d'abonnement auprès de l'opérateur
de son choix, opérateur receveur. Le bon de portage
émis mentionnera une date de portage théorique qui devra
par la suite être confirmée par l'opérateur receveur.
Les
Lignes Directrices visent à définir le plus strictement
possible les délais dans lesquels le portage devra être
réalisé : l'opérateur d'origine devra, en effet, émettre
le bon de portage ou le refuser, dans un délai maximum
de quinze jours à compter de la demande. Le bon de portage
devra avoir une validité d'au minimum un mois et être
utilisé au plus tard quinze jours avant la date de portage
théorique portée sur le bon. Ces délais sont, bien entendu,
le résultat des discussions engagées entre les opérateurs,
l'ART et les associations de consommateurs, mais constituent
sans aucun doute un casse tête pour les opérateurs.
En
effet, plusieurs questions très pratiques se posent
encore. Par exemple, lorsque le délai de préavis de
résiliation du contrat initial est différent du délai
de mise en place du portage, il est fort possible que
pendant un temps, l'abonné se retrouve démuni de ligne
mobile. Par ailleurs, l'abonné dispose de la possibilité
de renoncer au portage de son numéro. Faut-il alors
lui permettre de revenir sur la résiliation de son abonnement
d'origine ? Selon les Lignes Directrices, la renonciation
au portage ne remet pas en cause la résiliation de l'abonnement
d'origine.
Néanmoins,
loin de reconnaître un droit personnel sur un numéro,
les Lignes Directrices se limitent à reconnaître une
vocation à jouir d'un service. En effet, les opérateurs
ont toujours la possibilité, dans certaines conditions
limitativement énumérées, de refuser d'émettre un bon
de portage. Les opérateurs peuvent ainsi refuser la
portabilité du numéro à leurs clients qui se trouvent
en situation d'impayé. Les contrats d'abonnement des
opérateurs et des MVNO (Opérateur de Réseau Virtuel
Mobile) devront bien entendu être adaptés pour tenir
compte de ce nouveau service. Les Lignes Directrices
abordent également le délicat problème de la répartition
des revenus tirés de la portabilité, celle-ci représentant
des investissements importants pour les opérateurs.
La
répartition des revenus
La mise en uvre de la portabilité est prévue, selon
les Lignes Directrices, en deux phases. La phase 1 comprend
la mise en place de bases de données au sein de chaque
opérateur, contenant ses numéros importés et exportés.
Le mécanisme de routage vers les numéros portés reposera
en principe sur un mode de routage indirect.
La
phase 2 sera la mise en place d'une base de données
centralisée permettant un routage direct des appels
vers le réseau de souscription. Quel que soit le mode
de routage choisit, les opérateurs devront supporter
un certain nombre d'investissements, tels que ceux liés
à l'évolution de leur infrastructure ou au lancement
marketing du portage. De plus, l'opérateur d'origine
devra supporter des coûts liés notamment au contrôle
d'éligibilité et à l'émission du bon de portage, et
l'opérateur receveur, les coûts liés à l'opération technique
de portage.
Quelle
répartition des revenus induits par le portage a été
choisie par les Lignes Directrices ? L'opération de
portage d'un numéro peut être facturée par l'opérateur
d'origine à l'opérateur receveur. Ces tarifs devront
bien entendu être précisés dans les contrats d'interconnexion,
préalablement visés par l'ART. Néanmoins, seul l'opérateur
receveur pourra répercuter les coûts de portage à l'abonné.
Les Lignes Directrices précisent d'ailleurs que "ce
tarif ne saurait
être dissuasif". Avant le 30 juin
2003, les opérateurs et les MVNO auront donc la lourde
tâche de mettre en place techniquement le portage et
d'adapter à la fois leurs contrats type d'abonnement
et leurs contrats d'interconnexion.
[Marc
d'Haultfoeuille - Florence
Zauderer]
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