David Walmsley (Pandora) "Son infrastructure de données a préparé Pandora à l'industrialisation de l'IA générative"
Données, IA générative, expérience digitale… Alors que Pandora est présent à Shoptalk Europe, son CDTO, David Walmsley, partage avec le JDN les dernières innovations technologiques de la marque.
JDN. Le titre de Pandora a connu un bond fulgurant (+90%) en un an à la bourse de Copenhague. Comment expliquez vous cette croissance ?
David Walmsley. Notre capitalisation boursière est actuellement d'environ 11 milliards d'euros. Avec plus de 100 millions de bijoux fabriqués par an, nous sommes la plus grande entreprise de joaillerie au monde en termes de volume. Pendant de nombreuses années, les analystes ont considéré que Pandora ne faisait que suivre le cycle économique. Je pense que nous avons réussi à prouver que nous ne suivions pas ce cycle et que nous vendions des bijoux qui ont une signification pour nos clients. Il faut vraiment comprendre notre client, comprendre ses désirs, ses besoins, ses envies et ce qui est vraiment important pour lui. Tout cela est le cœur de ce qui a été la première partie de notre relance, mais c'est aussi l'ingrédient secret qui nous propulse en termes d'expérience digitale.
En navigant sur votre site, je soupçonne que votre moteur de recherche soit enrichi à l'IA générative. Ai-je tors ?
Ah vous avez vu cela. Beaucoup d'entreprises se sont engagées dans cette voie. Pour Pandora, il ne s'agit pas d'être à la pointe de l'IA, il s'agit d'avoir les bons partenaires. Nous avons donc un partenariat pluriannuel avec Salesforce, dont nous sommes très satisfaits, ainsi qu'avec Bloomreach, une entreprise très intéressante dans le domaine de la relation client. Grâce à ces deux solutions la personnalisation de l'expérience numérique est effective et va évoluer. Ce que vous voyez aujourd'hui sur le site sera encore différent dans un an. Pour l'instant, nous offrons des résultats de recherche personnalisés, nous proposons des recommandations de produits ciblés et toutes sortes de personnalisations standard, mais nous voulons aller plus loin. Parce que nous avons investi ces dernières années et construit une réelle infrastructure de données, nous sommes maintenant en mesure de passer à l'étape suivante qui est d'envelopper le client avec une expérience complète.
"Nous construisons un modèle prédictif pour essayer de mieux comprendre la probabilité que quelqu'un achète dans une fenêtre de temps particulière"
Pouvez-vous nous en dire davantage sur le rôle d'une bonne gestion de la donnée dans l'intégration de l'IA générative chez Pandora ?
Avec l'IA générative, nous pouvons jouer avec tous les points de contact, le contenu des emails, des promotions… Ce sont des projets excitants mais qui sont possibles parce que pendant trois ans nous avons combiné le numérique et l'informatique pour créer les fondations des données clients (Pandora enregistre 62 millions de first party data, ndlr). L'IA est ensuite arrivée et il s'avère que nous étions au bon endroit, au bon moment. Vous ne pouvez pas faire de l'IA générative sans avoir une véritable prise sur vos données : les données clients, les données de vente, les données produits, etc. Et c'est là que le bât blesse. C'est l'industrialisation de l'IA générative qui est le plus difficile. Et c'est pour cette industrialisation que notre structure de data nous a vraiment bien préparés.
Avez-vous de nouveaux cas d'utilisation de l'IA à partager ?
Nous avons un certain nombre de cas d'usage en cours dans l'entreprise, à la fois avec de l'IA prédictive et de l'IA générative. Nos prévisions de ventes sont basées sur un modèle de régression qui nous permet de prévoir nos volumes de ventes, mais aujourd'hui nous voulons le personnaliser. Je m'explique : vous pouvez acheter chez nous une fois par an ou tous les deux ans, il est donc très important de pouvoir prédire quand ce client est susceptible d'acheter à nouveau chez nous. Nous ne sommes pas Starbucks, les clients ne viennent pas tous les jours. Nous construisons un modèle prédictif pour essayer de mieux comprendre la probabilité que quelqu'un achète dans une fenêtre de temps particulière. Nous pouvons ainsi nous concentrer sur le marketing et être plus efficaces, tout en évitant d'ennuyer les gens lorsqu'ils ne sont pas intéressés.
Et avec l'IA générative ?
Avec l'IA générative, nous constituons une base de données de 1,4 millions d'avis de clients laissés sur notre site. Pour les analyser, nous avons construit un moteur qui utilise trois LLM différents pour traduire tous ces avis du monde entier en anglais. Ensuite, le LLM de Google détecte et résume les sentiments présents dans ces commentaires. Cela nous permet d'envoyer ces analyses à la fois à notre branche de fabrication pour les problèmes de qualité et à nos équipes de marketing sur les produits les plus appréciés.
"Avec l'IA générative, nous constituons une base de données de 1,4 millions d'avis de clients laissés sur notre site"
Il ne s'agit pas de robots qui parlent aux clients, ce n'est pas toujours nécessaire. En revanche, nous rendons notre activité beaucoup plus efficace en utilisant ces outils de manière judicieuse. Cela dit, nous étudions également comment mettre l'IA générative en relation directe avec les clients. Reproduire le type de conversation que vous avez en magasin avec le vendeur passera par l'IA générative. Tout ce que nous essayons de faire, est de capturer ce que nous pouvons de cette expérience en magasin dans l'espace numérique, mais la meilleure expérience que vous obtiendrez en tant que client est en magasin. Et c'est un vétéran du Web qui le dit. (Pandora réalise 22% de ses ventes en ligne, ndlr.)
Comment la technologie aide-t-elle également Pandora à atteindre ses objectifs RSE ?
Nous avons annoncé en début d'année que nous n'achetions plus que de l'argent et de l'or recyclés. Et nous travaillons avec notre chaîne d'approvisionnement pour déclarer à la fin de l'année que nos produits sont 100% en argent et or recyclés. Il est relativement simple de savoir si nous achetons des matériaux recyclés mais il plus difficile, quand vous fabriquez 100 millions de bijoux, de savoir que toutes les pièces sont constituées de cette nouvelle matière première. C'est un bon exemple de comment la technologie permet la traçabilité à travers le système. Avec les nouvelles réglementations européennes sur les rapports extra-financiers, la capacité de suivi des matériaux et des émissions carbones est essentielle.
Pour finir, comment se porte le marché français pour Pandora ?
J'ai passé toute la journée d'hier avec l'équipe dirigeante française et nos activités en France continuent de croître. Elles ont été très fructueuses. Nous ne dévoilerons pas les chiffres, mais nous avons une activité très prospère dans ce pays. Ce qui est intéressant, est l'impact de l'élévation de la marque et le storytelling de notre marque sur le marché français. L'équipe française a pris l'initiative de détailler notre artisanat : nous sertissons toutes les pierres à la main, tout est en argent massif, l'émaillage est fait à la main…
David Walmsley est membre du conseil de direction et directeur digital et technologie de Pandora. Il a commencé sa carrière il y a 30 ans en créant son premier site web en 1994. Le diplômé de Cambridge rejoint Pandora en 2019, en même temps que le CEO Alexander Lacik. A leur arrivée, tous deux ont été chargés de relancer la marque qui aujourd'hui est en pleine croissance.