Avec les capteurs IoT, la flexibilité électrique coule de source au barrage de Grand'Maison
La centrale hydroélectrique EDF de Grand'Maison double son activité pour répondre aux besoins du réseau. Le JDN a pu visiter le site pour observer le rôle des capteurs connectés.
C'est au milieu des montagnes à près de 2 000 mètres d'altitude, dans le cadre idyllique de la vallée d'Eau d'Olle en Isère, que sont retenus dans un bassin amont les 140 millions de mètres cubes d'eau nécessaire au fonctionnement de la centrale hydroélectrique de Grand'Maison, dans les hauteurs de Grenoble. Avec l'électrification croissante des usages, les besoins sur le réseau sont plus nombreux, et la centrale de pompage-turbinage, au rang de 7e station de transfert d'énergie par pompage (Step) dans le monde, a été sollicitée davantage que les années précédentes au cours de ce premier semestre 2024 pour multiplier ses cycles de production. Entre janvier et avril 2024, elle a produit 18,9 térawattheures d'énergie contre 11,9 térawattheures l'année précédente, soit une hausse de 37%. Pour répondre à la demande de RTE, gestionnaire du réseau de transport d'électricité en France, et équilibrer le réseau, tout en garantissant la sécurité des installations, un outil s'avère essentiel : les capteurs connectés.
Sur la partie haute du site déjà, plus de 200 capteurs de mesure sont déployés pour suivre en temps réel les niveaux d'eau, les débits, les déplacements à l'intérieur des remblais ou encore les pressions interstitielles. "Ils ont tous leur importance car ils contribuent à alimenter un modèle mathématique analysé par nos experts. La vie du barrage est auscultée en temps réel et notre rôle est d'intervenir quand un paramètre s'écarte de la normal", souligne Pierre Jacquemoud, cadre exploitant, responsable adjoint en charge de la maintenance au barrage de Grand'Maison. Chaque capteur est redondé par un autre en secours pour garantir une bonne réception des données. La tournée physique des techniciens peut ainsi se faire à un rythme hebdomadaire.
L'IoT au cœur des processus
Les automatismes permettent de contrôler les vannes d'ouverture et de fermeture de la retenue. L'eau est alors déversée 970 mètres plus bas, dans les machines de turbinage-pompage à l'entrée du bassin aval d'une capacité de 14 millions de mètres cubes, afin de produire de l'électricité. "L'IoT ne nous sert pas qu'à générer de la donnée mais à ajuster les processus de démarrages et à la mise en rotation de la roue par exemple", indique Jérôme Excoffier, responsable du barrage de Grand'Maison. La centrale hydroélectrique possède quatre installations classiques de turbinage et huit nouvelles machines réversibles de turbinage-pompage simultané, entrée en exploitation en 2023, il y a un an, après une conception par jumeau numérique dans le cadre du projet européen Xflex. Chacune de ces machines, dont la turbine pèse à elle-seule 160 tonnes, est équipée de près de 600 capteurs, dont les sondes de température. Leur objectif : le contrôle en temps réel et le suivi de la maintenance. "Nous suivons par des mesures permanentes la vie des machines, leur température, celle de l'huile, la vitesse, la pression, les vibrations, etc. Ces capteurs sont le cerveau de l'exploitation", ajoute Pierre Jacquemoud.
Pour contrôler tous ces équipements connectés sur différents réseaux propriétaires et leurs données, la centrale hydroélectrique possède un centre de contrôle-commande des machines, identique à ceux des centrales nucléaires, et d'un superviseur pour les capteurs qui transmettent des signaux de grandeurs analogiques. "Les installations obéissent à un programme numérique optimisé qui nous permet d'effectuer dix cycles par jour", raconte Jérôme Excoffier. Toutes les données sont centralisées dans un calculateur unique, dans une salle de commande.
La sécurité du site devient elle aussi connectée. Une nouvelle génération de caméras et de détecteurs de mouvement, couplés à l'éclairage, ont été installées aux points clés du site pour détecter toute intrusion. "Nous avons des infiltrations naturelles dans la roche, le matériel doit donc être étanche", explique Pierre Jacquemoud, alors que des filets d'eau humidifient toute la galerie. Ces équipements fonctionnent via le réseau privé propriétaire d'EDF. La fibre, installée par un service opérateur interne chez EDF, passe également dans les galeries.
Des pistes d'optimisation sont en cours de réflexion, comme l'application de jumeaux numériques à de nouveaux usages. Mais cela reste des projets de long terme. Et Jérôme Excoffier de conclure : "Les projets prennent beaucoup de temps, rien n'est encore concret car nous prenons le temps de suivre la maturité des technologies. Actuellement, nous travaillons à la juste adaptation de notre maintenance pour être exemplaire sur les 40 ans d'exploitation qu'il nous reste."