Les quatre défis cachés d'un projet de smart building

Les quatre défis cachés d'un projet de smart building Connecter son bâtiment pour le moderniser et en optimiser les consommations énergétiques devient essentiel. Mais ce projet n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît. Retour sur divers écueils rencontrés.

La réglementation autour des décrets Bacs et Tertiaire amène une multiplication des projets de smart building. Pour automatiser son bâtiment et en réduire les consommations énergétiques, la technologie IoT se révèle en effet indispensable. Les organisations qui s'y sont mises affichent des résultats encourageants. Castorama notamment a réduit de 29% son empreinte carbone en pilotant ses magasins à distance et, au sein les collèges de l'Oise, la consommation énergétique a baissé de 22% à mi-parcours du projet. Des exemples qui en inspirent beaucoup. Problème : "Les promesses tout comme les résultats de l'IoT sont exceptionnels mais la mise en place est chaotique", déplore Nicolas Henry, responsable énergétique national, référent BIM et maître d'ouvrage de ce projet au sein des Compagnons du Devoir et du Tour de France, qui a fait face à plusieurs écueils dans son propre projet de smart building (Lire notre article). Son conseil : avoir bien conscience des points de difficultés pour les surmonter plus facilement.

Le coût

Le premier frein au lancement d'un projet connecté est son coût : il faut prendre en compte l'achat des capteurs, l'abonnement au réseau de communication et à la plateforme web pour l'analyse des données. Pour le projet de smart building des Compagnons du Devoir et du Tour de France à Strasbourg, l'IoT a représenté 2% du montant total du budget du chantier, à 12 millions d'euros. "La GTB notamment représente un investissement de 30 000 euros. Nous avions pensé à demander une subvention mais il y a tellement de paperasse pour obtenir une aide CEE que nous avons abandonné", confie Nicolas Henry.

La mise en œuvre

Une fois les capteurs achetés, le défi de l'installation sur le terrain se révèle une épreuve. Nicolas Henry déplore le trop grand nombre d'intervenants : "Pour une installation réseau, j'ai dû faire appel à cinq acteurs différents, entre celui qui tire les câbles, celui qui installe le routage ou encore le programmateur. C'est un enfer pour les coordonner dans les délais et cela demande beaucoup d'énergie."

"Nous avons un millier de câbles RJ45. Trouver le bon pour installer des panneaux photovoltaïques nous aura pris dix mois"

D'autant que les aspects techniques sont à prendre en compte lors de leur intervention. "Dans un bâtiment, le schéma filaire est souvent peu fiable car des câbles ont été tirés pour certains besoins et il n'y a pas de partage d'un prestataire à l'autre sur ce qui a été fait", indique Vincent Bryant, CEO et cofondateur de Deepki, greentech française qui accompagne les acteurs de l'immobilier dans leur transition zéro carbone. Un constat partagé par Nicolas Henry : "Nous avons un millier de câbles RJ45. Trouver le bon pour installer des panneaux photovoltaïques nous aura pris dix mois."

L'absence de réplicabilité des solutions entre les bâtiments constitue un autre point d'achoppement pour les gestionnaires de parcs immobiliers. "Chaque construction est différente et demande une configuration adaptée. Il faut vérifier la connectivité, notamment au sous-sol, et une technologie efficace dans un projet peut ne pas être adaptée dans un autre", met en garde Vincent Bryant.

La programmation

Une fois les objets connectés installés, encore faut-il bien les programmer. "Nous rencontrons un problème de rafraîchissement, la climatisation se met en route à 14°C dans les salles de classe alors que nous avons paramétré son fonctionnement à partir de 27°C", témoigne Nicolas Henry. Un an après l'entrée en fonction du bâtiment, les réglages ne sont toujours pas au point. Un compteur communicant doit encore être remplacé en raison d'un problème de transmission. Nicolas Henry attribue ces problèmes à un autre obstacle sous-jacent : la carence en formation des professionnels.

Le manque de compétences

Le manque de qualification freine les projets, aussi bien dans leur concrétisation que dans leur cycle de vie, à travers le maintien en condition opérationnelle des capteurs. "La technologie peut faire beaucoup de choses mais il faut de l'humain pour l'exploiter, sinon elle sera délaissée, comme l'ont été les GTB à leurs débuts", souligne Vincent Bryant, de Deepki. "Les prestataires mettent en avant leur expertise mais ils ne sont pas formés", s'emporte Nicolas Henry, en litige contre un sous-traitant du bureau d'études avec lequel il travaille.

"La théorie est très différente de la réalité terrain"

Face à ces difficultés, Nicolas Henry a contacté d'autres porteurs de projets et s'est rendu compte qu'il était loin d'être un cas isolé. "Un grand industriel a déployé plus de 70 000 capteurs IoT dans sa tour à La Défense pour en optimiser les performances énergétiques. Il nous a confié lui avoir fallu plus de deux ans pour aboutir à un outil à peu près fonctionnel." Une observation similaire a été faite par Olivier Maschino, président du fabricant de matériels et solutions d'éclairage Clareo Lighting : "J'ai visité plusieurs smart building de clients et cela ne fonctionne pas. Par exemple dans un hôtel, les fonctions de pilotage font clignoter les éclairages. La théorie est très différente de la réalité terrain." Des obstacles sur site à relever au plus vite pour démocratiser les usages de smart building.