Faut-il être un "smart user" pour utiliser les "smart technologies" ?
Aligner les avancées technologiques avec les besoins réels des utilisateurs est essentiel pour assurer le succès et l'acceptabilité des infrastructures intelligentes.
Dans un monde dominé par le "smart", que ce soit dans la construction de bâtiments (smart building), l'aménagement urbain (smart cities) ou la gestion de l'énergie (smart grids), il est temps de se pencher sur l’adéquation entre ces avancées technologiques et les besoins réels des utilisateurs. Au-delà des promesses séduisantes, des études universitaires[1] mettent en lumière des réalités sur le terrain qui interpellent.
Dépasser l'adaptation passive : un défi pour les utilisateurs
Les individus peuvent s'adapter, mais l'acceptation passive de ces nouvelles technologies n'est pas garantie : l'appropriation par chacun n'est pas automatique.
Les smart buildings, par exemple, peinent parfois à répondre aux attentes des occupants, faute d'une prise en compte adéquate de leurs besoins dès la phase de conception.
Cette réalité s'étend également aux réseaux énergétiques, où l'implication des utilisateurs est cruciale mais souvent entravée par un manque d'accès à des formations spécifiques. Cette difficulté d’accès remet en question l'inclusivité de ces avancées technologiques, même si les chercheurs recourent à la gamification ou au nudge pour inciter les individus à optimiser l'utilisation des écosystèmes intelligents, en exploitant les biais cognitifs pour encourager l'adoption de nouveaux comportements.
Que le smart-user soit passif ou proactif, la figure de l'utilisateur semble disparaître dans l'idée du smart. Pourtant, le smart-building est censé être au service du confort des usagers. Cependant, dans cette vision, le confort est considéré comme une donnée stable et non négociable, tout comme les objectifs de performance environnementale. Les systèmes techniques doivent donc concilier le confort et la performance, imposant à l'utilisateur de se conformer à ces exigences techniques, comme ne pas ouvrir les fenêtres pour ne pas contrer l'efficacité du bâtiment.
Repenser le “smart” en mettant l’humain au cœur de la transition énergétique
Au lieu de considérer que les bâtiments doivent être peuplés d'utilisateurs "smart", il est essentiel de concevoir des structures qui répondent aux besoins des communautés. C'est là que réside la vraie intelligence de la transition énergétique et sociétale : recentrer la technologie selon les besoins de l’usager, leurs activités, pour améliorer son confort (vision anthropocentrée et personnalisée) et réduire son empreinte environnementale.
Car la technologie seule ne peut pas suffire à optimiser leur fonctionnement et à réduire leur empreinte carbone. D'un côté, le smart-building doit anticiper les besoins des usagers en différenciant les usages au sein du bâtiment, tandis que de l'autre, l'utilisateur doit s'adapter aux exigences de performance du bâtiment, comme baisser sa consommation d'énergie lorsque le bâtiment en consomme beaucoup. Cela peut passer par des applications, la connaissance du système technique ou la formation de l'utilisateur.
L'acceptabilité : un défi pour tous, une responsabilité partagée
Les avancées technologiques ne peuvent réussir que si elles sont acceptées et appropriées par les populations concernées, qui les utilisent, les transmettent et les enrichissent. La rationalité humaine diffère de celle de la machine, et les acceptations ne sont pas automatiques.
C'est donc un appel à l'action pour chacun d'entre nous. La transition énergétique et sociétale est un combat de tous les instants, où chacun doit prendre ses responsabilités et s'engager pour un avenir meilleur.
Dès lors, pour réussir, il faut amener les différentes disciplines scientifiques à travailler ensemble, afin de développer les approches interdisciplinaires au croisement des technosciences et d’enjeux sociétaux, entre sciences humaines et sociales et sciences de l’ingénieur, indispensables à une transition réussie qui appartienne à tous.
[1] « Des usagers intelligents pour la transition énergétique et sociétale » et « Réseaux d’énergie et bâtiments intelligents pour la transition énergétique et sociétale »