Streaming : Max, un nouveau venu de poids dans un paysage français très encombré
La capacité en temps et en argent des consommateurs n'est pas extensible à l'infini mais Warner Bros.Discovery arrive avec une offre très attractive et une distribution bien ficelée.
Max, la plateforme de streaming de Warner Bros.Discovery arrive en France le 11 juin. Fera-t-elle le poids face à Netflix, Amazon Prime, Disney+ et Canal+, alors que ni le temps ni le portefeuille des consommateurs ne sont extensibles à l'infini ? Pour l'heure, Netflix garde précieusement la pole position : la plateforme a conquis 9,3 millions d'abonnés supplémentaires dans le monde sur les trois premiers mois de l'année pour atteindre les 269,6 millions. De son côté, Max table sur 130 millions d'abonnés dans le monde d'ici à 2025, contre 96 millions fin 2022.
En Europe, 85% du temps de visionnage de la VOD est concentré sur Netflix, Prime Video et Disney+, selon l'Observatoire européen de l'audiovisuel. En France, où le taux de pénétration des services payants de streaming se stabilise à 57% avec en moyenne deux services souscrits par foyer abonné selon le Baromètre des usages audiovisuels NPA Conseil/Harris Interactive, le même trio domine.
En attendant l'arrivée cette année d'une mesure d'audiences de ces services SVOD par Médiamétrie, les tendances compilées par JustWatch donnent la température d'un marché vraisemblablement saturé. Ce moteur de recherche européen spécialisé en films et séries en streaming intègre les catalogues d'une cinquantaine de plateformes, dont une vingtaine françaises. Les films les plus recherchés en France au premier trimestre de l'année se trouvent chez Netflix, suivi d'Amazon Prime, Disney+ et Canal+. Un tableau très proche d'il y a 18 mois. Toujours selon JustWatch, Netflix est le seul avec Canal+ à grignoter des parts de marché dans un contexte de stagnation générale : +1% sur le premier trimestre de l'année.
"Le marché commence à être saturé en termes de temps passé : pour avoir du succès il faut aller chercher les audiences des autres", analyse Jérôme Colin, directeur conseil chez fifty-five. La bataille s'annonce donc rude pour Max. Son offre Basic avec publicité à 5, 99 euros par mois est-elle le sésame ? Non, répondent des analystes avisés sur ce marché, pour qui la publicité n'est pas la clé pour pérenniser la croissance à long terme. Pour Brian Wieser, analyste financier stratégique chez Madison and Wall, aux Etats-Unis, le pourcentage d'abonnés à Netflix qui s'inscrivent au forfait avec publicité restera relativement faible à long terme et sans doute inférieur au taux d'inscription actuel de 40 % revendiqué par Netflix. "Les consommateurs sont plus susceptibles de percevoir la publicité comme une interruption plutôt que comme un échange équitable pour un service moins coûteux", écrit Brian Wieser dans un billet de blog.
Rien cependant ne laisse présager une arrivée avortée pour le service de Warner Bros.Discovery. "La pénétration des principaux SVOD stagne et ce qu'ils proposent en termes de contenus est de moins en moins attirant : il y a donc de la place pour de nouveaux contenus", lance Jérôme Colin. Or, Max débarque avec dans sa valise au moins trois grands atouts pour disposer d'une place confortable sous le soleil : un catalogue riche et attractif dans le bon timing, un prix tout à fait compétitif, un réseau de distribution puissant.
La puissance de Warner Bros
Pour se différencier, Max arrive avec le solide catalogue de Warner, et ses franchises emblématiques telles que Harry Potter, Matrix, Batman, Le Seigneur des anneaux ou Mad Max, les émissions de sa dizaine de filiales parmi lesquelles HBO (et ses séries emblématiques CSP+), DC Comics, Discovery et CNN. Ses têtes d'affiche font recette, à commencer par Game of Thrones, la très attendue seconde saison de House of the Dragon, prévue pour le 17 juin. Des productions originales y compris françaises ont aussi été annoncées.
La fiction, avec notamment les séries, reste un atout majeur pour s'imposer dans ce marché. Ces dernières à elles seules répondent pour 60% des meilleurs lancements de programmes dans le monde, selon Glance, le service de Médiamétrie dédié au marché de la TV à l'international.
Le sport et le live sont également des alliés de poids. Netflix a acquis en mai les droits de diffusion d'au moins quatre matchs de la ligue professionnelle de football américain après avoir signé en janvier un accord de diffusion sur dix ans avec la Ligue professionnelle américaine de catch WWE. Pour ce lancement de Max, les Français pourront visionner l'intégralité des JO de Paris 2024 via Eurosport. Le service propose également un abonnement à part, spécifique au sport.
Des prix compétitifs
Les prix de Max sont abordables et compétitifs. Les abonnements varient de 5,99 euros par mois (avec publicité) à 13,99 euros (sans publicité et intégrant un visionnage simultané sur quatre appareils), avec une offre intermédiaire de 9,99 euros par mois sans publicité pour deux appareils.
Ce sont certes des prix légèrement supérieurs à ceux pratiqués par Disney+ et par Amazon Prime pour les forfaits sans publicité, respectivement de 8,99 euros ou 11,99 euros selon l'option choisie pour Disney+ et de 8,98 euros chez Prime. Mais les tarifs de Max sont inférieurs à l'offre de base avec pub d'Amazon Prime Video (6,99 euros) et surtout aux abonnements premium chez Netflix, qui eux montent jusqu'à 19,99 euros par mois.
A noter aussi un forfait à part, de 5 euros par mois, pour accéder à l'option Sport donnant accès à de grands événements sportifs comme l'Open d'Australie, le Tour de France et les 24 heures du Mans (les JO 2024 en revanche seront proposés à tous les abonnés).
Un réseau de distribution solide
Pour gagner des parts de marché, la visibilité et l'accessibilité sont indispensables. Les plateformes l'ont compris et Max n'est pas en reste puisque des accords de distribution se multiplient avec notamment Canal+, Prime Video et les opérateurs Orange, Free et SFR. Grâce à ces nombreux intermédiaires, près de huit Français sur dix devraient être en capacité d'accéder à Max selon NPA Conseil.
Ces accès seront a priori sans coût supplémentaire dans certains cas, comme chez Amazon Prime Video pour ceux qui sont déjà abonnés au Pass Warner (commercialisé à 9,99 euros chez Prime) ou encore chez Canal+ pour ceux déjà inscrits à Ciné Séries, Friends & Family, Intégrale ou Rat+ Ciné-Séries.
"Tous ces accords illustrent une tendance forte du retour au bundle. On atteint de fait la limite du modèle où chacun vient avec son offre de son côté. D'une part parce que les consommateurs limitent le nombre d'abonnements. D'autre part, le développement de la CTV impose une logique de visibilité sur le grand écran – toutes les offres entrent dans les box ou via Canal et cela facilite le churn d'un service à un autre", analyse Jérôme Colin.
Et ce n'est pas tout : des offres groupées voient également le jour de l'autre côté de l'Atlantique avec des annonces qui se multiplient et se chevauchent. Warner Bros.Discovery et Disney lancent dès cet été, aux Etats-Unis seulement pour le moment, une offre de streaming commune réunissant Disney+, Hulu et Max. Les deux groupes viennent également d'annoncer la création d'une joint-venture avec Fox nommée Venu et intégralement dédiée aux sports. Depuis fin mars d'ailleurs, Disney+ donne accès à Hulu, le service de streaming dont le groupe a pris le contrôle total fin 2023.