A Châlons-en-Champagne, l'hyperviseur élargit la smart city
Après les villes de Dijon et Angers, c'est au tour de Châlons-en-Champagne de se retrouver sous les feux des projecteurs pour son projet smart city "Connecte Châlons", qui met en avant la mutualisation des usages.
Pour mieux répondre aux besoins des collectivités, les plateformes de gestion de la donnée doivent évoluer vers une plus grande mutualisation à l'échelle départementale. C'est le message porté par InfraNum, qui considère cette mutualisation comme l'enjeu clé en 2024/2025. La fédération française de professionnels du secteur des infrastructures de télécommunications, dans son Observatoire des territoires connectés et durables publié en janvier, déplore que les projets de smart city se limitent à l'utilisation de superviseurs dédiés à un seul métier, silotés avec leur propre base de données, dont le modèle est dupliqué quand un nouvel usage est identifié. Mais un nouveau projet est en train de se démarquer : celui de Châlons-en-Champagne, "Connecte Châlons", qui associe l'agglomération, la ville de Châlons-en-Champagne et les deux collectivités de Fagnières et de Saint-Martin-sur-le-Pré.
Initié en 2019 pour moderniser les services publics et réduire l'impact environnemental, le projet a débuté le 1er juillet 2023 pour une durée de douze ans, sous forme de marché public global de performance. Il a été remporté par un groupement mené par Bouygues Energies & Services, OnePoint et Aximum. Il a déjà abouti à des gains sur l'éclairage connecté : plus de 7 000 points lumineux ont été équipés de leds, ce qui a réduit de 75% la consommation énergétique. Dans les bâtiments, ce sont 30% d'économies d'énergie réalisées, notamment avec la création d'un poste d'energy manager pour définir des plans d'action. Les solutions IoT se déploient désormais au niveau de la vidéoprotection, de la signalisation des feux tricolores et de l'arrosage. Mais, au-delà de ces usages, c'est bien l'hyperviseur, la plateforme globale qui agrège tout type de superviseurs, qui a été placé dès le départ au cœur de ce projet smart city.
Un outil open source
Cet hyperviseur a pour fonction de recueillir les données des superviseurs métiers, de leur donner un sens, ou encore d'en assurer la sécurité. Sa particularité est qu'il est entièrement open source. "Cela permet aux équipes d'être indépendantes et de créer les développements dont ils ont besoin", souligne Cédric Bellan, directeur général de Tactis, cabinet de conseil français participant au projet depuis plus de 18 mois. Cette évolutivité de l'open source garantit son utilisation dans le temps. La souveraineté est par ailleurs un critère de plus en plus décisif.
La contrainte d'un hyperviseur en revanche réside dans la conception du projet. "Un projet d'hyperviseur apporte une complexité plus forte, le projet doit être global, pensé avec une vision complète des usages du territoire pour en permettre un pilotage des processus", témoigne Jacques le Conte, le CEO de l'éditeur IoT Kuzzle, qui a accompagné le projet SmartConnect du Finistère sur une dizaine d'usages, et équipe désormais la plateforme "Connecte Châlons". Un avis partagé par Cédric Bellan : "La question des outils transverses est plus complexe que quand on part par cas d'usage, d'autant plus quand elle réunit plusieurs collectivités et des sujets communaux, intercommunaux, départementaux. Cela nécessite une structuration."
Parmi les choses à faire, la mise en place au niveau IT de connecteurs entre l'hyperviseur et les applications métiers. "Cela passe généralement par des API", confie Philippe Rousselet, président de la société française Otipass et secrétaire de l'ADCET, l'association pour le développement des usages numériques dans les territoires, qui travaille sur ces sujets. Autre point clé, la création d'un poste de commande centralisé (PCC) pour actionner des équipes opérationnelles en cas de besoin. Les équipes de "Connecte Châlons", constituées de huit directions métiers, y travaillent, en même temps qu'elles développent les concepts de jumeau numérique avec Dassault Systèmes et de système d'information géographique (SIG) pour lier data et pilotage du territoire.
Jusqu'à présent, seules les grandes villes comme Dijon se sont dotées d'un hyperviseur. L'approche départementale permet d'accompagner les petites collectivités dans de nouveaux usages. "Pour que l'hyperviseur soit utilisable à la fois par l'agglomération et les petites communes, il faut simplifier l'outil et garantir la transversalité", estime Cédric Bellan.
Vers une réduction des coûts
Autre avantage pour les petites collectivités, ce procédé de mutualisation autour de l'hyperviseur permet de réduire les coûts. "Il y a eu un vrai temps de négociation, ce qui a permis à la fois de baisser de manière substantielle les prix, grâce à l'intensité concurrentielle, et de négocier les critères de performances. C'est important car de plus en plus de contraintes financières pèsent sur les collectivités. Les petites communes bénéficient d'un effet de levier important et peuvent ainsi avoir accès à des services intelligents qu'elles n'auraient peut-être pas pu s'offrir seules. Et ce n'est pas parce qu'on a les mêmes outils qu'on fait exactement la même chose", se réjouit Cédric Bellan. Bouygues Energies & Services, qui mène ce projet d'un budget de 35,5 millions d'euros, estime à plus de 17 millions d'euros les économies générées sur les factures d'énergie pendant 12 ans, dont 7,7 millions d'euros sur l'éclairage public et 9,5 millions d'euros sur la consommation des bâtiments.
Après ces huit premiers mois de mise en œuvre, le chantier à venir est la création du "socle de connectivité de l'hyperviseur", précise Cédric Bellan. Le projet s'appuie en effet à la fois sur un réseau LoRaWAN, mais aussi sur le réseau fibre et du Wifi public. L'hyperviseur devra permettre de calculer plus finement les ROI des cas d'usage et d'évaluer les politiques publiques pour une plus grande cohérence. Par la suite, une application citoyenne sera proposée pour renforcer les services auprès des habitants, notamment pour effectuer des signalements.