Quand les Etats réinventent la fiscalité pour en faire un moteur de progrès social et environnemental

Favoriser une croissance durable, en lien avec leurs objectifs RSE, est essentiel pour la survie des grandes entreprises.

Or, le Pilier 2, repris dans une directive de l’Union européenne, qui fixe un taux minimal d’imposition (TEI) pour les grands groupes, risque d’alourdir leur fiscalité. En capitalisant sur le Crédit d’Impôt Recherche et Innovation (CIR), ces grandes entreprises ont l’opportunité de réduire leur fiscalité tout en faisant le choix d’investir dans un avenir innovant et environnementalement responsable. 

Unifier le paysage fiscal européen avec le Pilier 2 

Dans la continuité des travaux de l’OCDE, pour éviter que les bénéfices des entreprises au chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros ne soient artificiellement transférés vers des juridictions à faible imposition, l’Union européenne a décidé d’imposer un seuil minimal d’imposition. En effet, cette pratique de transfert minait la capacité des États à financer des services publics essentiels tout en créant dans le même temps une concurrence fiscale préjudiciable entre les nations. L’UE a donc introduit le Pilier 2* (directive du 15 décembre 2022). Récemment transposé dans le droit français, ce dispositif ambitionne de rééquilibrer le paysage fiscal international en fixant un taux minimal d'imposition de 15% (Taux Effectif d'Imposition ou “TEI”). Cette évolution est destinée à pousser ces grandes entreprises à reconsidérer leur structure et leur stratégie fiscale globale tout en accentuant leur transparence. Et si le CIR pouvait aider à sortir de cette impasse budgétaire tout en favorisant une croissance responsable et durable ? 

Se positionner en entreprise innovante tout en réduisant sa fiscalité avec le CIR 

En diminuant le risque financier associé à l'innovation, le CIR encourage les entreprises à poursuivre des avancées technologiques et scientifiques qui peuvent conduire à des percées majeures. Le CIR, composante cruciale de la politique d'innovation en France, est conçu pour encourager les entreprises à investir dans la recherche et le développement. Il s'applique aux coûts liés à la recherche fondamentale, la recherche appliquée, ainsi qu'au développement expérimental. Cette dynamique nourrit un écosystème d'innovation vibrant, essentiel pour la compétitivité économique de la France sur la scène internationale. Les grands groupes qui investissent dans la R&D peuvent capitaliser sur le CIR** et, si elles sont éligibles, bénéficier d'un crédit d'impôt de 30% sur les dépenses de R&D jusqu'à 100 millions d'euros, et de 5% au-delà de ce seuil. Le CIR étant considéré comme un crédit d’impôt qualifié***, dans le contexte du Pilier 2, elles réduisent ainsi leur TEI, et donc leur fiscalité.* 

Vers une industrie qui conjugue innovation et éco-responsabilité  

Le gouvernement est déterminé à inciter les entreprises à investir dans des projets qui verdissent la France. En témoigne la création du CI3V (le crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte) dans le cadre de la loi de finances pour 2024. Le CIR lui-même, en tant que dispositif incitatif majeur, encourage les entreprises à investir dans des projets de recherche et développement qui sont non seulement novateurs mais peuvent aussi être alignés sur les principes de durabilité. Cela inclut la recherche dans des domaines tels que les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique, la réduction des émissions de CO2, et les technologies propres. En favorisant de telles initiatives, le CIR peut permettre de soutenir une vision de l'innovation responsable, en phase avec les défis contemporains tels que la transition écologique et la responsabilité sociale des entreprises (RSE). La relation entre le CIR, bien ancré dans la culture française, et l'intégration du Pilier 2 dans le paysage fiscal de notre pays représente donc une opportunité stratégique pour les multinationales implantées en France, non seulement pour bénéficier d’un avantage fiscal en lien avec la recherche  mais aussi pour l'accélération vers une industrie durable et innovante. 

Favoriser la transition écologique du tissu industriel français avec un cadre fiscal plus incitatif  

L’Union européenne dans l’ensemble de son approche de la fiscalité internationale crée ainsi un environnement où les grandes entreprises sont incitées à adopter des pratiques plus transparentes et équitables (directive DAC 6 ou CSRD). Celles-ci comprennent l'investissement dans des activités qui concilient réduction du TEI et soutien aux objectifs de développement durable. Au travers de cette approche, le Pilier 2 peut indirectement promouvoir une transition écologique au sein du secteur industriel, en rendant les investissements verts plus attrayants et financièrement viables. La combinaison du Pilier 2 et du CIR a donc le potentiel de transformer profondément l'industrie française, en faisant de l'innovation durable un pilier central de la croissance économique. Cette orientation vers des industries plus vertes est essentielle pour répondre aux engagements climatiques de la France et de l'UE, tout en positionnant l'économie française en tant que leader de l'innovation écologique sur la scène mondiale. 

Au travers de cet engagement de la France et de l'Europe en faveur d'une croissance économique durable et inclusive, la fiscalité peut devenir un moteur de progrès social et environnemental. Les grandes entreprises françaises ont ainsi une opportunité unique, si elles souhaitent orienter leur stratégie d’innovation en ce sens, de réduire leur charge fiscale tout en investissant dans l'avenir.  

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*Article 33 de la loi de finances pour 2024 (Loi 2023- 1322 du 29-12-2023, JO du 30-12) a transposé en droit interne la directive (UE) 2022/2523 du 14-12-2022 

* Le budget de l’État en 2023 (résultats et gestion) - Dépenses fiscales (ccomptes.fr) 

**Article 244 quater B du CGI 

***Le CIR : crédit d’impôt qualifié l23-128-3221.pdf (senat.fr)