Impact des JO 2024 : que doit-on en attendre ?
Paris s'apprête à accueillir les Jeux Olympiques et Paralympiques. L'impact de l'événement sera scruté de très près par les observateurs en rapport avec la promesse de JO soutenables.
Dans six mois, Paris accueillera les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, un événement planétaire qui attirera les regards du monde entier. Le Comité d'Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP) doit mettre en place des Jeux soutenables avec comme valeur cardinale l’impact : un terme qui reste cependant flou et mal maîtrisé.
Les Jeux Olympiques : une caisse de résonnance pour mettre en œuvre une stratégie durable
L’accent est bien souvent mis par les observateurs des Jeux sur le seul impact économique (comprenant l’emploi, les secteurs économiques dynamisés comme l’hôtellerie ou la sécurité privée, les recettes fiscales, le PIB) et il est essentiel d'aller au-delà.
Reconnaissant l'importance cruciale de l'évaluation de l'impact des Jeux Olympiques, le COJO et le CIO, en partenariat avec les villes hôtes, ont intensifié leurs efforts pour mesurer leur impact, quantifier et optimiser l'héritage des Jeux qui d’après le Centre de Droit et d'Économie du Sport (CDES[1]), attireraient 3,5 milliards de téléspectateurs, 20 000 journalistes pour couvrir l'événement et 15 000 athlètes pour participer à la compétition. L'édition de Paris 2024 aurait un impact économique de 10,7 milliards d'euros et environ 15 millions de visiteurs sont attendus sur la métropole parisienne selon l’office du tourisme.
Au-delà des chiffres impressionnants, y compris la création d'emplois et le dynamisme économique, le programme "Héritage et Durabilité" du COJO vise à traduire cet événement mondial en avancées sociales durables, avec des rapports prévus dès 2024. Les Jeux de Paris 2024 sont donc un enjeu politique stratégique dépassant la seule sphère économique, invitant à une réflexion plus large sur leur empreinte sociale et environnementale.
L’impact : une préoccupation globale et multifactorielle qui dépasse la seule dimension économique
Sur le plan économique, les Jeux ne sont pas toujours synonymes de croissance économique pour les pays hôtes[2] : les Jeux de Sydney, Londres, Rio et Tokyo n'ont pas eu d'impact direct évident sur la croissance et ont même coïncidé avec des crises économiques majeures. Selon une étude récente d'Astérès[3], les Jeux de Paris devraient créer 116 000 emplois et générer une valeur ajoutée de 9,8 milliards d'euros liée aux dépenses d'organisation. Bien que les Jeux génèrent de l’activité avant et pendant, de l'attractivité touristique, des créations d’emplois, des recettes fiscales pour les secteurs du BTP, du tourisme, de l'événementiel et de la sécurité, ils peuvent également repousser certains touristes qui choisissent d'éviter les Jeux et donc Paris cet été, comme certains investisseurs qui décideraient de décaler leur projet dans le temps.
Sur le plan social, les Jeux de Paris soulèvent de sérieuses préoccupations, notamment en ce qui concerne le logement ou le travail. Les Jeux ont toujours entraîné des délogements massifs, des déplacements de populations, un phénomène de gentrification, un recours massif au travail précaire voire bénévole, dans des conditions perfectibles. Dans des départements tels que la Seine-Saint-Denis, les habitants subissent les réaménagements urbains liés aux Jeux ou au Grand Paris Express depuis des années, sans n’avoir été ni consultés, ni associés. L'organisation des Jeux entraîne aussi des tensions sur le marché locatif et des augmentations de prix considérables.
Il est crucial de prendre en compte l'impact environnemental des Jeux de Paris, aspect souvent négligé dans les projets d'organisation d'événements sportifs d'une telle ampleur, alors même que l'urgence climatique nous oblige à tous les niveaux. L'engagement initial de Paris 2024 à réaliser un événement à « contribution positive pour le climat » a été revu à la baisse, soulignant les difficultés de concilier les ambitions environnementales, réalités scientifiques et réalités d’organisation : la faute notamment au déplacement de millions de personnes des quatre coins du monde, la construction d’infrastructures, etc. L’estimation par l’organisation d’émissions autour de 1,58 million de tonnes de CO2 semble largement sous-évaluée selon Reporterre[4].
Sur d’autres plans, les Jeux vont avoir un impact sur l'organisation territoriale des flux, ce qui peut impacter la vie des franciliens, limiter l'accès à cet événement qui se dit populaire et inclusif. Les restrictions de circulation, les mesures de sécurité exceptionnelles, les perturbations des transports en commun et le coût des déplacements vont rendre la vie des habitants de la région parisienne « hardcore » (selon Clément Beaune, alors ministre des transports). Les Jeux sont aussi l'occasion d'expérimenter de nouvelles technologies en matière de sécurité privée, de renforcer la surveillance de l'espace public ou la restriction de certaines libertés individuelles.[5].
La liste pourrait être encore longue, mais en conclusion, il est nécessaire en 2024 de ne pas se limiter à une vision économique réductrice et de mesurer l'empreinte globale des Jeux pour y intégrer des catégories d'impact telles que le carbone, l’impact sur la biodiversité, sur l'eau, l’impact social et territorial sur les populations locales, etc. – qu'il s'agisse d’impacts positifs comme négatifs, d’impacts économiques, sociaux, environnementaux ou même culturels.
Dans un contexte d'urgence climatique et de croissance des inégalités sociales et territoriales, les JOP de Paris 2024 représentent bien plus qu'un simple événement sportif. Ils offrent une occasion de réfléchir aux défis de notre époque, en encourageant une vision plus responsable et durable. En veillant à penser aux impacts positifs comme négatifs, Paris 2024 aurait pu non seulement transformer le paysage urbain et social de la capitale française, mais aussi inspirer une réflexion globale sur la manière dont les grands événements peuvent contribuer de manière significative aux villes hôtes et à la société dans son ensemble, en conciliant excellence sportive, inclusion sociale, territoriale et protection de l'environnement.
Maxime Dupont, Senior Manager Impact & sustainability au cabinet de conseil Bartle
[1] Paris 2024 – Etude d’impact (ici)
[2] Paris 2024 : un impact économique encore incertain (banquedesterritoires.fr)
[3] Les-jeux-financent-les-jeux-ASTERES.pdf
[4] Les JO 2024 pollueront plus que prévu (reporterre.net)
[5] « Les technologies de reconnaissance faciale renforcent la méthode raciste de contrôle et de fouille de la police » - Amnesty International