En France, le Buy Now Pay Later arrive à maturité… avant de chuter ?
La pratique du BNPL se généralise sur le marché français. Mais une directive de l'UE, applicable à partir d'octobre 2026, pourrait changer la donne.
En plein essor aux Etats-Unis, le Buy Now Pay Later (BNPL) et le risque d'endettement qui en découle inquiètent les autorités américaines. Ce 22 mai, le Bureau de protection financière des consommateurs (CFPB) a classé les fournisseurs de ce service comme des fournisseurs de cartes de crédit, obligeant ces derniers à enquêter en cas de litige, à fournir des factures détaillées ou encore à rembourser les commandes annulées.
Mais le succès du BNPL ne se limite pas qu'à un seul côté de l'Atlantique. En effet, selon une étude publiée le 2 avril et menée par Kantar et par la fintech Floa, 41% des Français déclarent avoir payé huit fois ces douze derniers mois via le Buy Now Pay Later. Cette facilité de paiement comprend à la fois le paiement différé et le paiement fractionné. Mais en France, c'est surtout cette deuxième option qui "est largement plébiscité", selon Marc Lanvin, directeur général adjoint de la fintech Floa qui propose aux retailers d'intégrer sur leur site une solution de paiement fractionné. "Le paiement différé est surtout utilisé en Allemagne et aux Pays-Bas. En France et en Espagne, le BNPL se résume principalement au paiement fractionné".
Floa, et d'autres acteurs comme Alma, Scalapay ou encore le suédois Klarna, permettent aux e-commerçants de proposer à leurs clients de payer un produit en plusieurs fois, quatre fois en 90 jours le plus souvent (avec un paiement à J0, J30, 60 et J90). Ce sont eux qui supportent le risque d'impayé. En échange, ils reçoivent une commission de la part des retailers.
Utilisé davantage par les CSP+
Selon l'étude, 70% des Français ont eu recours au BNPL au moins une fois ces douze derniers mois. Un autre chiffre mis en avant par l'étude peut surprendre : ce sont surtout les CSP+ qui utilisent cette facilité de paiement (51% d'entre eux sont des utilisateurs réguliers contre 41% sur l'ensemble de la population française). Pas illogique quand on sait que ce service est principalement utilisé pour l'électroménager, l'high-tech et le voyage, "des produits réservés à une clientèle qui a un pouvoir d'achat supérieur à celui du Français moyen", selon Marc Lanvin.
Pour les enseignes, le BNPL permet d'augmenter "la fidélisation des clients, le taux de conversion et le montant du panier moyen", assure Terez Duhameau Kolarovics, directrice des méthodes de paiement chez Rakuten France. "On en propose depuis 2013. On a constaté que le Buy Now Pay Later a explosé pendant le covid. La pratique continue d'augmenter encore un peu mais on arrive à une forme de stabilité". Pour Rakuten France, 25% du volume d'affaires provient du paiement fractionné et du crédit (un paiement réparti en dix mensualités) et les paniers réglés via le BNPL sont en moyenne cinq fois plus élevés que le panier moyen du site. "C'est clairement devenu incontournable", estime Terez Duhameau Kolarovics.
La pratique parait également incontournable pour de nombreux Français : selon l'étude, l'intégration du BNPL aux habitudes quotidiennes est telle que 59% de ceux qui l'utilisent seraient prêts à changer d'enseigne pour en bénéficier. De quoi supposer que le Buy Now Pay Later n'a pas fini de séduire de nouveaux utilisateurs ?
Cadre réglementaire du crédit en 2026
Une ombre au tableau pourrait toutefois enrayer sa dynamique. En effet, pour éviter un risque de surendettement, une directive sur le crédit à la consommation a été votée par le Parlement européen en septembre dernier. Le texte prévoit entre autres d'intégrer le paiement fractionné au cadre réglementaire du crédit à la consommation. Avec cette directive, les spécialistes du BNPL devront notamment évaluer la solvabilité du client et seront tenus de fournir certaines informations précontractuelles (comme le coût du paiement fractionné si le commerçant choisit d'appliquer des frais à chaque paiement). De quoi impacter la fluidité du parcours client.
Bien que votée en septembre 2023, la directive ne sera applicable qu'en octobre 2026, après une phase de transposition dans le droit national de deux ans puis une phase d'application de douze mois supplémentaires. Comme chaque directive, elle laisse aux Etats membres une marge de manœuvre dans l'interprétation du texte. Les professionnels du BNPL espèrent ainsi que la France introduise un principe de proportionnalité avec pour objectif que le client n'ait pas à fournir le même nombre d'informations en fonction du montant de l'achat. Avec un panier moyen pas si élevé (210 euros pour Floa, 120 euros pour Scalapay), le risque de surendettement des consommateurs parait limité. Mais pas impossible avec la multiplication des lignes.