Lutte contre la fraude et aide à la conformité, l'IA se met au service de la gestion des notes de frais
Les fintechs Expensya et Concur expliquent comment l'intelligence artificielle a transformé leur logiciel de gestion de notes de frais.
"Je suis en voyage à Marseille, dans le centre près du Vieux-Port. Je vais diner au restaurant avec un client. Puis-je payer un verre d'alcool avec la carte de la boite ? Quel montant maximal l'addition ne doit-elle pas dépasser ? Si je rentre à l'hôtel après le repas en taxi, l'entreprise prendra-t-elle en compte la dépense ?" Voilà le genre de question que peuvent poser les salariés qui conversent avec le chatbot développé par le logiciel de gestion de notes de frais Expensya. Le logiciel, facturé cinq euros par mois pour chaque collaborateur qui l'utilise, a séduit 6 000 clients, dont le Crédit Agricole, Sephora ou encore Dominos Pizza.
Cette fintech n'est pas la seule start-up spécialisée dans la gestion des dépenses professionnelles à utiliser l'intelligence artificielle. C'est également le cas de Concur qui propose un forfait basé sur le nombre de notes de frais et qui revendique 92 millions d'utilisateurs dont les collaborateurs de Capgemini, Barclays ou encore Sanofi. "On utilise un outil de reconnaissance de caractères qui permet de lire automatiquement les éléments sur une note de frais comme le type de dépense, le montant ou encore la date", confie Damien Palausi, director solution consulting.
Concur utilise l'IA durant toutes les étapes d'un voyage d'affaires, un moment qui donne naturellement lieu à de nombreuses notes de frais. Et même avant le voyage : "Avant de partir, le salarié demande une estimation du coût du voyage. L'IA, en se basant notamment sur l'historique de l'entreprise pour un voyage similaire, donne cette estimation. Le salarié peut ensuite faire valider son voyage auprès de la direction", explique Damien Palausi.
Après l'estimation du coût du voyage, place à l'organisation : "L'IA propose directement aux collaborateurs l'hôtel et le trajet qu'ils ont l'habitude de réserver. Mais le salarié peut également soumettre des critères, notamment de localisation. Il peut aussi demander à notre chatbot de lui proposer les trajets les plus écoresponsables".
Les transactions louches bloquées
Sur place, les salariés peuvent questionner le chatbot sur des sujets de conformité. "Les politiques de dépenses des entreprises sont très complexes. La plupart des travailleurs ne connaissent pas les limites imposées par leur boite. Les équipes RH se voient ainsi déchargées d'une partie de leur travail qui n'est pas forcément très intéressante", note Karim Jouini, fondateur d'Expensya. "Ils peuvent solliciter notre chatbot pour des demandes très diverses : le montant maximal qu'ils peuvent dépenser au restaurant, la quantité de 4G qu'ils peuvent utiliser à l'étranger, le type d'achat interdit par l'entreprise…".
L'IA renseigne donc les salariés sur la conformité interne des entreprises, mais aussi sur la conformité externe, c'est-à-dire l'ensemble des règles à respecter en termes de notes de frais. "Elle permet par exemple de distinguer les dépenses qui correspondent à des notes de frais ou à des avantages en nature. Selon les pays, les règles pour établir cette distinction peuvent varier", indique Damien Palausi. Autre exemple : la récupération de TVA. "Les entreprises peuvent la demander seulement si l'IA confirme sa mention sur le reçu".
Enfin, l'intelligence artificielle est également utilisée pour détecter les fraudes. "Deux tiers des employés soumettent régulièrement des notes de frais comportant de la fraude, en transformant par exemple un repas personnel en repas d'affaires", indique Damien Palausi. "Quand un salarié utilise nos cartes, l'IA est capable d'indiquer si le salarié sort des clous en comparant avec les transactions passées d'autres salariés de l'entreprise", assure Karim Jouini. "On utilise GPT-4 qui possède d'excellentes notions temps/espace. Par exemple, si une même carte est utilisée pour réaliser une transaction en France et une autre en Italie cinq minutes plus tard, l'IA va bloquer la dépense ou le remboursement. Dès lors qu'une transaction est louche, elle est bloquée". De quoi faciliter les relations entre la direction et les employés : "C'est bien plus simple pour l'IA que pour un manager de refuser une transaction".
Parmi toutes ces utilisations, lesquelles sont plébiscitées par les clients des deux entreprises ? "Le chatbot, qui permet de renseigner les salariés sur la politique de dépenses de leur boite, est très apprécié", indique-t-on du côté d'Expensya. Idem pour Concur. Une fonctionnalité qui permet d'augmenter les parts de marché des deux fintechs ? "Nous observons une belle croissance du nombre de clients mais nous ne pouvons la corréler à l'utilisation de l'IA", reconnait Damien Palausi. Mais pour Karim Jouini, l'intégration de l'intelligence artificielle constitue a minima "un réel argument de vente".